Theodore L. Sourkes, lauréate

Neurochimiste

Naissance le 21 février 1919 à Montréal, décès le 17 janvier 2015 à Montréal

Biographie

On doit à Theodore L. Sourkes d’avoir contribué à démontrer
que la maladie de Parkinson est causée par la déficience dans
la périphérie d’un métabolite du cerveau : la dopamine.
Cette percée le conduira à prouver, avec ses collègues
André Barbeau et Gérard Murphy, l’efficacité de la L-Dopa
comme substance substitutive permettant d’atténuer les symptômes
de cette pathologie qui frappe des millions de gens. Surtout, ce succès
constitue le premier traitement médical d’une maladie dégénérative
du système nerveux.

Pousser la recherche toujours plus loin

« J’aimais tout autant la chimie que la biologie, raconte Theodore L.
Sourkes. Alors j’ai choisi la discipline qui combine ces deux matières
: la biochimie. » Après un baccalauréat dans cette spécialité
à l’Université McGill (1939), il participe à l’effort de
guerre en travaillant comme chimiste à Toronto dans une entreprise qui
met au point des munitions. Une fois la guerre terminée, il consacre
sa thèse de maîtrise, aussi à l’Université McGill,
aux propriétés nutritives des protéines sous la direction
d’Earle Crampton, l’un des plus grands nutritionnistes canadiens (1946). Aussitôt
après, il commence un doctorat en biochimie à l’Université
Cornell, sous la direction de James Sumner, lauréat du prix Nobel de
chimie en 1946, sur le rôle métabolique de la méthylation.
Ses travaux, ses connaissances des enzymes et son expérience de deux
ans comme membre du Département de pharmacologie à la Georgetown
University School of Medecine, à Washington, intéressent l’Institut
de recherche thérapeutique Merck du New Jersey, aux États-Unis,
qui s’efforce alors de découvrir des agents antihypertenseurs. Theodore
L. Sourkes est engagé comme chimiste spécialiste des enzymes.
Il observe que l’action de l’enzyme dopa décarboxylase, que l’on pense
associée à l’hypertension essentielle, est atténuée
par l’inhibiteur qu’est l’alpha méthyldopa. Cette propriété
donnera naissance à l’un des premiers médicaments efficaces contre
l’hypertension, commercialisé par la compagnie Merck sous le nom d’« 
Aldomet ».

C’est déjà la célébrité pour Theodore L.
Sourkes. Toutefois, il ne s’en soucie guère. Plutôt animé
par la curiosité d’en savoir davantage sur la nouvelle catégorie
d’agents pharmacologiques que constituent les dérivés et les analogues
de l’alpha méthyldopa, il pressent que leur étude devrait lui
permettre de mieux décrypter le mécanisme d’action des neurotransmetteurs.
L’Université McGill lui offre en 1953 l’occasion de poursuivre ses travaux
dans cette voie. Robert Cleghorn, directeur du Laboratoire de thérapies
expérimentales, lui propose un poste de chercheur et l’invite à
installer un nouveau laboratoire de neurochimie à l’Institut de psychiatrie
Allan Memorial. Le scientifique emménage donc sous les combles de l’édifice
qui abrite l’Institut.

Ce grenier – car c’en est un – se trouve à l’origine d’une
décennie prodigieuse. Les découvertes se succèdent. Par
exemple, Theodore L. Sourkes purifie la dopa décarboxylase et la monoamine
oxydase, élucide le rôle des catécholamines dans le traitement
de la schizophrénie insulinique, effectue les premiers essais de l’alpha
méthyldopa en vue de traiter certains cas de schizophrénie, entreprend
les essais de la même substance pour traiter la chorée de Huntington
(syndrome héréditaire caractérisé par des mouvements
anormaux involontaires associés à une détérioration
intellectuelle) et met en évidence les troubles hormonaux liés
aux dépressions. C’est aussi dans ce laboratoire que le chercheur avance
l’idée que la carence de la dopamine est à l’origine de la maladie
de Parkinson. Il prouve que l’ingestion de L-dopa entraîne une diminution
de la raideur musculaire, l’un des signes caractéristiques de cette pathologie.
Un peu plus tard, en 1965, conjointement avec Louis Poirier, anatomiste à
l’Université Laval, il localise la voie nerveuse entre la substance noire
et le corpus striatum, dont la dégénérescence constitue
la source de la maladie de Parkinson. Cette découverte explique l’efficacité
de la L-Dopa. Tant de progrès incitent Theodore L. Sourkes à en
faire la synthèse. Son ouvrage, Biochemistry of Mental Disease,
publié en 1962, demeure un ouvrage de référence dans le
domaine de la neurobiologie et dans celui de la psychopharmacologie.

Une reconnaissance bien méritée

À l’Université McGill, Theodore L. Sourkes poursuit une carrière
de professeur tout en assurant la formation de chercheurs. Un grand nombre de
ceux-ci occuperont des postes importants dans des universités, des centres
de recherche publics et privés, sans oublier des entreprises, au Québec,
au Canada et à l’étranger. Certains d’entre eux contribueront,
à leur tour, à former des scientifiques qu’inspirent toujours
les méthodes d’analyse rigoureuses et élégantes du maître.
D’ailleurs, le Département de pharmacologie et de thérapeutique
de l’Université McGill a créé le prix Theodore Sourkes,
qui honore chaque année l’étudiant auteur du meilleur article
de pharmacologie.

Au fil des années, les confrères de Theodore L. Sourkes lui expriment
leur admiration et leur reconnaissance en lui attribuant de nombreux prix et
de prestigieuses distinctions : élection à la Société
royale du Canada (1971), prix Heinz-Lehmann du Collège canadien de neuropsychopharmacologie
(1982), Ordre Andrés Bello, au Venezuela (1987), doctorat honoris
causa
de l’Université d’Ottawa (1990), Ordre du Canada (1992). Plusieurs
colloques sont organisés en son honneur, particulièrement par
le Collège canadien de neuropsychopharmacologie (1988), la Société
internationale de neurochimie (1989) et le Symposium international sur la maladie
de Parkinson à Haïfa, en Israël (1998).

Theodore L. Sourkes prend officiellement sa retraite en 1991. Infatigable et
toujours curieux, il entame alors une carrière d’historien des sciences,
notamment des sciences biomédicales. Ses articles s’efforcent en particulier
d’éclairer les phénomènes qui conduisent à des découvertes.
Véritable phare et figure emblématique de la neurochimie, pionnier
de la neuropsychiatrie biologique, Theodore L. Sourkes a mené des travaux
qui font partie des fondations des sciences neurologiques modernes; son influence
est mondiale et il est impossible de quantifier le nombre de personnes qui ont
tiré profit de ses travaux : les témoignages de ce genre, de la
part des scientifiques les plus respectés, confirment la renommée
de Theodore L. Sourkes, chercheur d’une extraordinaire fécondité.

Résumé de la carrière de Theodore L. Sourkes

1948
Doctorat en biochimie de l'Université Cornell

1965-1991
Directeur du Laboratoire de neurochimie au Département de psychiatrie de l'Université McGill

1971
Membre de la Société royale du Canada

1982
Prix Heinz-Lehmann

1987
Ordre Andrés Bello

1990
Médaille du Collège canadien de neuropsychopharmacologie

1990
Doctorat honoris causa de l'Université d'Ottawa

1991
Professeur émérite de l'Université McGill

1992
Officier de l'Ordre du Canada

1998
Prix Wilder-Penfield

2001
Prix de la Société internationale de l'Histoire des neurosciences pour l'article le plus marquant publié dans le journal de la Société en 1998-2001

Information complémentaire

Date de remise du prix :
5 décembre 1998

Membres du jury :
Pierre Potvin (président)
Nicole Beauchemin
Yvette Bonny
Andrée Roberge
Jurgen Sygusch
Crédit photo :
  • Marc-André Grenier
Texte :
  • Bernard Lévy
Mise à jour :
  • Nathalie Kinnard