Clémence DesRochers, lauréate

Naissance le 23 novembre 1933 à Sherbrooke, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Elle portait déjà le nom illustre de son père, le poète Alfred DesRochers. Son prénom est devenu aussi célèbre que son nom et suffit maintenant à l’identifier. Qui, au Québec, ne connaît pas Clémence? Au fil d’une carrière qui dure depuis plus d’un demi-siècle, Clémence DesRochers a touché toutes les couches de la société québécoise. En considérant son parcours, on est frappé par l’abondance et par la diversité de ses créations, ainsi que par la constance avec laquelle cette artiste remarquable s’est manifestée. La portée de son oeuvre est d’ailleurs aussi étonnante que sa multidisciplinarité. Si Clémence tient son sens poétique de son père, une autre part de son héritage lui vient de sa mère qui aimait la musique, qui chantait et qui était douée d’un sens de l’humour hors du commun.

Diplômée de l’École normale, Clémence DesRochers quitte Sherbrooke où elle est née en 1933, s’installe à Montréal et devient enseignante pour s’apercevoir rapidement que ce rôle ne lui convient pas. Elle s’inscrit alors au Conservatoire d’art dramatique et se joint bientôt à La Roulotte, ce théâtre ambulant destiné aux jeunes, dirigé par Paul Buissonneau. Au sortir du Conservatoire, la télévision de Radio-Canada l’engage dans Les Aventures de Rodolphe, une série pour enfants; puis elle décroche de petits rôles dans des téléromans comme La Famille Plouffe, La Côte de Sable, Le Pain du jour, ainsi que dans de populaires émissions jeunesse : La Boîte à Surprises, Grujot et Délicat, etc.

C’est en 1957 que Clémence apparaît pour la première fois sur la scène d’un cabaret aux côtés de Jacques Normand. Deux ans plus tard, elle fonde la troupe de chansonniers Les Bozos puis la boîte Chez Bozo en compagnie de Claude Léveillée, Jean-Pierre Ferland, Hervé Brousseau et André Gagnon. En 1964, elle écrit le livret de la première comédie musicale québécoise intitulée Le Vol rose du Flamant, montée la même année. À la suite de sa rencontre avec Yvon Deschamps en 1965, elle ouvre la boîte Chez Clémence dans le Vieux-Montréal. Tous deux y présentent des revues en compagnie de Gilbert Chénier.

Les boîtes à chansons connaissent une époque dorée à la fin des années 1960; les propriétaires du Patriote baptisent Patriote à Clémence la petite salle au-dessus de la fameuse boîte de la rue Sainte-Catherine. Clémence y créera plusieurs revues dont la plus célèbre demeure Les Girls, première revue féministe, en compagnie de Louise Latraverse, Diane Dufresne, Paule Bayard et Chantal Renaud, en 1969. Des comédies musicales et des dizaines de spectacles composés de monologues et de chansons suivront : notamment, C’est pas une revue c’t’un show, en 1971; Mon dernier show en 1977; Les Retrouvailles de Clémence, en 1980; Plus folle que jamais, en 1983; Le Derrière d’une étoile, en 1985; J’ai show, en 1987 et De retour après la (méno)pause, en 1993, pour n’en citer que quelques-uns.

Dans les années 1930 durement marquées par la crise économique, Émile Coderre, un pharmacien montréalais monologuiste et poète mieux connu sous le pseudonyme de Jean Narrache, écrivait des textes qui illustraient la vie des chômeurs en utilisant la langue populaire; on peut reconnaître son héritage dans la centaine de monologues écrits par Clémence DesRochers. Comme Jean Narrache, elle rédigera la plupart de ses textes en alexandrins et puisera son inspiration au coeur même du quotidien de ceux qu’on appelle les « gens ordinaires ». Ainsi, l’oeuvre de Clémence DesRochers offre-t-elle un reflet original des mutations sociales survenues au Québec depuis 50 ans. Elle constitue une fresque québécoise unique qui évoque la petite histoire et le statut des femmes, la vie quotidienne; par ricochet, elle témoigne de l’évolution de la langue et des mentalités.

On peut désormais écouter 62 de ces monologues grâce à une compilation sur CD intitulée Presqu’intégrale, réalisée en 1997. L ‘album CD De la Factrie au jardin, lancé en 2002, regroupe 15 chansons tendres et pleines d’humanité parmi lesquelles on trouve Deux vieilles, La Vie de Factrie et L’Homme de ma vie.

Mime et comédienne, artiste de cabaret, chanteuse, fabuliste, monologuiste, dramaturge, poète et nouvelliste auteure d’une douzaine d’ouvrages, conceptrice et animatrice d’émissions de radio et de télévision, Clémence a tout fait. L’écrivain Michel Tremblay et le monologuiste Yvon Deschamps se réclament tous les deux de l’influence de cette pionnière sur leur travail.

Clémence DesRochers se consacre maintenant surtout au dessin et à la peinture. La collaboration amicale et suivie qu’elle entretient depuis 1999 avec son ami l’écrivain et fondateur des éditions du Lilas, René Jacob, a mené à la publication de plusieurs livres illustrés parmi lesquels Les Animaux de mon rang, Le Petit Clémence illustré, regroupant dessins et poèmes, et Nos mères. Depuis 2002, Clémence accepte enfin d’exposer ses dessins et ses tableaux. À travers ses livres et ses expositions, l e public a maintenant accès à l’univers pictural empreint de fraîcheur et de poésie qui est celui de cette créatrice.

Pour expliquer l’amour inconditionnel porté par tant de Québécoises et de Québécois à cette artiste qui sait si bien amalgamer l’humour et la gravité, il faut également évoquer la personnalité de Clémence, sa chaleur, sa simplicité directe et une authenticité qui gagnent tous les coeurs.

Plusieurs prix et distinctions ont récompensé le travail de Clémence DesRochers. En 1981, le Félix du meilleur show de l’année et celui du meilleur scripteur lui sont décernés. En 1983, on lui remet la médaille Jacques-Blanchet pour la qualité de son oeuvre. En 1994, c’est le Réseau indépendant des diffuseurs d’événements artistiques unis (RIDEAU) qui lui accorde son prix Hommage. La même année, l’Université de Sherbrooke lui remet un doctorat honoris causa. En 2000, elle reçoit le prix Olivier-Guimond et l’année suivante, le gouvernement du Québec la fait chevalier de l’Ordre national. En 2004, elle remporte le Jutra du meilleur rôle secondaire dans le film La Grande Séduction.

Lauréate du prix Denise-Pelletier 2005 pour l’ensemble de son oeuvre, Clémence DesRochers n’a certainement pas fini de surprendre. Tout en poursuivant sa carrière artistique, elle consacre une partie de son temps à des oeuvres caritatives. Depuis l’inauguration, en 1987, de l’exposition annuelle Les Femmeuses dont elle est maintenant porte-parole à vie, elle marraine cette manifestation qui offre ses bénéfices aux femmes victimes de violence conjugale. Elle soutient également Les Impatients, une fondation donnant à des personnes atteintes de troubles d’ordre psychiatrique l’occasion de s’exprimer à travers la pratique de l’art thérapeutique.

Information complémentaire

Date de remise du prix : 8 novembre 2005

Membres du jury :

  • Manon Guilbert (présidente)
  • Denise Arsenault
  • Marie-Hélène Falcon
  • Michelle Febvre
  • Chantal Masson-Bourque
Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Crédit vidéo :
  • Production : Éric Pfalzgraf / Studio du Roi
  • Réalisation :
    • Mario Munger
    • Éric Pfalzgraf
  • Caméra, direction photo : Mario Munger
  • Son : Éric Pfalzgraf
  • Montage :
    • David Paré
    • Éric Pfalzgraf
  • Infographie : Daniel Boulanger
  • Musique originale : Alexis Le May
  • Musiciens :
    • Katia Durette
    • Yana Ouellet
    • Stéphane Fontaine
    • Annie Morier
    • Caroline Béchard
    • Suzanne Villeneuve
    • Benoît Cormier
    • Jean Robitaille
    • André Villeneuve
    • Daniel Tardif
    • Alexis Le May
    • Éric Pfalzgraf
  • Annonceur : Gilles Théberge
  • Enregistrement de la musique et mixage : Éric Pfalzgraf
  • Photos supplémentaires, animations et extrait de film pour :
    • M. Cyril Simard :
      • Suzanne O’neill
      • Éric Saint-Pierre
      • Guy Rainville
      • François Maltais
    • Mme Francine Décary :
      • Héma-Québec
    • M. Henry Buijs :
      • ABB
    • M. Fernand Dansereau :
      • ONF
Texte :
  • Solange Lévesque