Louis Bernatchez, lauréate

Biologiste de la conservation

Naissance le 2 mai 1960 à Lac-Frontière, décès le à 

Entrevue

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Biographie

En prenant connaissance des lettres d’appui à la candidature du chercheur et professeur Louis Bernatchez, rédigées par ses pairs, on se rend compte rapidement qu’il s’agit d’un scientifique hors du commun : « Un des meilleurs chercheurs en génétique évolutive au Canada », « Parmi les cinq grands généticiens de la conservation dans le monde », « Considéré par plusieurs comme le chef de file mondial dans l’étude de l’écologie moléculaire », peut-on y lire.

En entrevue, le lauréat du Prix Marie-Victorin 2012 se montre pourtant d’une affabilité et d’une humilité presque déroutantes. Sans doute la marque de ceux qui, malgré leur renommée et l’ampleur de leurs connaissances, prennent aussi toute la mesure du savoir encore à acquérir.

Cette reconnaissance planétaire, Louis Bernatchez la doit beaucoup aux poissons salmonidés (corégone, truite et saumon), son objet d’étude principal depuis plus de 20 ans. Mais il la doit surtout à son flair et à l’originalité de sa démarche scientifique, dont l’approche intégrative est la marque de commerce.

Au milieu des années 1980, il a fait partie du premier groupe de chercheurs au monde ayant appuyé ses travaux sur la génétique afin de faire progresser les connaissances sur la diversité, l’origine et l’évolution des populations de salmonidés. « Toute l’histoire d’une espèce est écrite dans ses gènes », lance‑t‑il avec conviction.

Le champ de recherche de cette sommité mondiale de la biologie des poissons englobe la biologie évolutive, la génomique, la biologie de la conservation et l’aquaculture. Les contributions scientifiques de Louis Bernatchez transcendent aujourd’hui largement l’univers des poissons pour s’étendre à tout le règne animal, qu’il soit question de génétique évolutive, d’écologie moléculaire ou de conservation de la biodiversité.

Cette émule moderne de Darwin est même reconnue pour avoir contribué, au début des années 1990, à la naissance de l’écologie moléculaire, une discipline de la biologie évolutive née de la fusion entre la biologie moléculaire et la génétique appliquée à l’écologie. « Je ne suis associé à aucune grande découverte. Je crois être reconnu pour de nombreuses contributions à la fine pointe, faites au bon moment », précise-t-il humblement.

C’est en 2011 qu’il a apporté une de ses plus impressionnantes contributions à la biologie évolutive. Avec un étudiant au doctorat, Julien April, et des collègues ontariens et américains, Louis Bernatchez a réalisé la plus vaste étude à ce jour de « code-barres ADN » chez les poissons. Cette étude, dont les résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue Proceedings of the National Academy of Sciences USA, a permis de mettre au jour que la diversité des poissons d’eau douce en Amérique du Nord avait été sous-estimée de près du tiers (28 %).

En effet, après avoir séquencé l’ADN mitochondrial de 5 674 spécimens appartenant à ce que l’on croyait être 752 espèces, le groupe de chercheurs a découvert que 138 d’entre elles montraient des différences génétiques de plus de 2 %, seuil au-delà duquel la biologie considère qu’il s’agit de deux espèces distinctes. « Dans plusieurs cas, on pensait que les poissons faisaient partie de la même espèce parce qu’ils se ressemblaient, mais en mesurant les différences génétiques accumulées dans leur ADN, on a découvert qu’ils étaient en réalité très différents », explique le chercheur.

Une production scientifique d’une qualité exceptionnelle
Membre élu de la Société royale du Canada en 2011, Louis Bernatchez est aussi membre élu de la très sélecte American Association for the Advancement of Science depuis la même année. Il figure sur le site Web « science.ca » parmi les 250 plus grands scientifiques canadiens, dont font partie 38 Québécois, qui se sont démarqués par l’excellence de leur contribution.

Cet éminent scientifique est l’auteur de 364 publications, incluant 254 articles publiés dans 55 revues parmi les plus prestigieuses comme Nature, Science, Genetics et plusieurs autres. Les publications de Louis Bernatchez ont fait l’objet de plus de 9 000 citations depuis 20 ans. Dans le monde des publications scientifiques, Louis Bernatchez jouit d’un indice h (ou indice de Hirsch) de 55, ce qui est considéré comme exceptionnel (un indice de 15 est suffisant pour se qualifier comme membre de l’American Physical Society).

Autre preuve incontestable de l’ampleur de son rayonnement scientifique, Louis Bernatchez a cofondé en 2008 la revue Evolutionary Applications, dont il est depuis le rédacteur en chef. La publication, spécialisée dans les travaux sur l’évolution appliquée, couvre tous les domaines qui ont un lien avec l’évolution, de la médecine à l’agriculture, en passant par la foresterie ou la conservation de la biodiversité.

En 2009, la revue a remporté le prestigieux prix ALSP Award for Best New Journal 2009, qui couronne la meilleure nouvelle revue scientifique publiée au Royaume‑Uni, toutes disciplines confondues.

Très actif sur la scène internationale, le biologiste de 52 ans a donné plus de 450 conférences avec son équipe de recherche dans plus de 20 pays en Asie, en Europe et aux États-Unis. Il a également écrit deux livres sur les poissons d’eau douce du Québec.

En 2011, le professeur au département de biologie de l’Université Laval depuis 1995 a reçu le prix Summa en recherche, remis par la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval, et, en 2002, le prix
Georges-Préfontaine de l’Association des biologistes du Québec.

Des menés pour les chats du curé
L’intérêt de Louis Bernatchez pour les poissons remonte au début de l’adolescence. À 12 ans, ce n’était toutefois pas les corégones ou les saumons qui l’intriguaient, mais les menés. Quelques fois par semaine, le jeune garçon allait pêcher une centaine de menés destinés à combler l’appétit vorace des 14 chats du curé du village de Lac-Frontière, une localité de 200 habitants d’où il est originaire. « J’ai grandi dans ce petit village, au milieu de la nature, que j’aimais beaucoup. À 12 ans, je savais que je serais biologiste », ajoute le principal intéressé.

Après des études en sciences pures au cégep de Lévis-Lauzon, Louis Bernatchez entre au département de biologie de l’Université Laval en 1979. Il rédige son mémoire de maîtrise sur les variations dans le comportement de migration des populations de corégones de la Baie-James à la suite des grands travaux des années 1970.

Le biologiste amorce son doctorat à l’automne 1986, toujours sur les corégones. Alors qu’à cette époque les travaux en génétique humaine en sont à leurs premiers balbutiements, il fait le pari audacieux d’appliquer cette science aux populations de salmonidés. « Je percevais intuitivement le potentiel de ce que l’on pouvait apprendre sur l’écologie et l’histoire des populations en analysant leur ADN », confie-t-il.

L’utilité sociale de la biologie
Les travaux de ce scientifique de haut vol débordent aujourd’hui largement le monde des poissons et sont d’une aide précieuse pour les autorités dans leur traque contre les braconniers, par exemple. « On se sert maintenant de la génétique pour apporter des éléments de preuve additionnels en établissant des liens entre un morceau de viande retrouvé dans le congélateur d’un suspect et une carcasse retrouvée en forêt », explique-t-il.

Malgré la reconnaissance mondiale dont il fait l’objet grâce à son travail de chercheur, Louis Bernatchez demeure très attaché à l’enseignement et aux relations qu’il entretient avec ses étudiants. « La contribution dont je suis le plus fier, c’est d’avoir formé des biologistes », clame le professeur qui a dirigé et codirigé 45 étudiants au doctorat, 37 étudiants à la maîtrise et 23 stagiaires postdoctoraux.

Pour ce titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génomique et conservation des ressources aquatiques, la biologie a une grande utilité sociale. « Que ce soit dans la lutte contre les changements climatiques, pour la protection de l’environnement ou la conservation de la biodiversité, les biologistes sont souvent au cœur des grandes avancées sociales. Je serais très heureux si ce prix contribuait à en faire prendre conscience », conclut Louis Bernatchez.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
13 novembre 2012

Membres du jury :
Pierre Magnan, président
Benoît Songa
Normand Mousseau
Jean Nicolas
Gisèle LaPointe

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Lynda Malo
Caméra et direction photo : Mathieu Harrisson
Caméra : Hugo Ferland-Dionne
Maquillage : Hélène-Manon Poudrette, Sylvie Charland
Montage : Sylvain Caron
Infographie et montage : Mathieu Harrisson
Mixage sonore : Studio Song
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevues : Christian St-Pierre
Texte :
  • MDEIE