Michael Meaney, lauréate

Biographie

« L’an prochain, je serai meilleur chercheur que cette année », se répète annuellement le professeur Michael Meaney. Cette maxime, adoptée en début de carrière, demeure toujours aussi importante pour le scientifique de 62 ans. Ce grand rassembleur, qualifié de sommité mondiale dans le domaine de l’épigénétique, continue ainsi à faire rayonner la science au Québec et dans le monde entier. Au moment d’écrire cette biographie, M. Meaney se rendait à Singapour, où il a été recruté en 2008 par le Singapour Institute for Clinical Sciences pour diriger des études sur la neurocroissance et partager son expertise de pointe sur l’interaction entre l’environnement et la biologie.

Les recherches du professeur Meaney se concentrent sur les interactions entre parents et enfants. Comment les soins parentaux influencent-ils le développement des enfants? S’inscrivent-ils biologiquement? Le chercheur est l’un des premiers à expliquer et à démontrer que l’environnement influence l’expression de certains de nos gènes. « Ce signal épigénétique fait qu’une expérience précoce, comme la qualité du contexte périnatal, peut altérer les fonctions biologiques et la santé », précise le scientifique.

Il a d’abord exposé ces mécanismes chez les rats. Selon ses travaux, un rat adulte léché souvent par sa mère dès sa naissance montre des réponses plus modérées au stress. Meaney et son collègue Moshe Szyf ont aussi démontré que les bonnes mères peuvent changer la façon dont les gènes de leurs rejetons s’expriment, élevant ainsi des jeunes qui deviendront des adultes plus calmes. Il semble que le type de soins dispensés par une mère à sa progéniture modifie la chimie de l’ADN de certains gènes impliqués dans les réactions au stress. Les rats léchés et toilettés fréquemment produisent beaucoup moins d’hormones de stress dans une situation éprouvante ou stressante que ceux ayant reçu moins de soins. Et ces effets persistent à l’âge adulte. « Intéressant quand on sait que la production excessive et persistante des hormones de stress sur une longue période augmente le risque de problèmes chroniques comme les maladies cardiaques et le diabète », fait remarquer le professeur Meaney.

Dès lors, la science a la confirmation que les mauvaises habitudes, comme les bonnes, peuvent changer de façon permanente la manière dont les gènes agissent dans l’organisme humain et, plus encore, avoir une incidence sur la qualité de vie de la descendance. Une mauvaise ou une bonne parentalité peut donc influencer la santé mentale des enfants.

Avec son collègue Gustavo Turecki, Michael Meaney a alors procédé à la conversion des études portant sur l’épigénétique des rongeurs en réalité humaine. Les chercheurs ont clairement démontré que l’environnement conditionne et modifie l’expression génétique dans le cerveau humain. « Les mauvais traitements ou la négligence peuvent laisser une empreinte dans le cerveau d’un enfant, autant que la fumée de tabac peut abîmer les poumons d’un adulte », explique le neuroscientifique. Par exemple, dans le cerveau d’hommes maltraités durant leur enfance, les chercheurs ont observé des marques qui n’apparaissent pas chez les hommes non violentés en bas âge. Ces modifications dites épigénétiques sont la façon dont l’organisme ajuste avec précision l’expression de son code génétique. Les scientifiques se sont alors demandé si les maladies mentales, tout comme plusieurs troubles de la santé, ne seraient pas de mauvaises adaptations génétiques.

Le professeur Meaney poursuit actuellement cette réflexion en tant qu’investigateur principal d’un projet de recherche financé par les Instituts de recherche en santé du Canada et portant sur l’adversité maternelle, la vulnérabilité et le neurodéveloppement. Ce projet, mené dans plus de 30 laboratoires individuels, évalue le développement des enfants à haut risque de psychopathologie. Il s’agit de la première étude à combiner la génomique, la neuro-imagerie, la détermination du phénotype étendu et des mesures de la santé maternelle et de l’interaction mère-bébé. L’hypothèse, qui découle des travaux sur les rongeurs, suggère que le neurodéveloppement de l’enfant est influencé par la qualité de la vie familiale postnatale.

D’étudiant moyen à chercheur renommé

Et dire qu’il y a cinquante ans, le jeune Meaney ne s’intéressait pas tellement aux études. « Au secondaire, je n’étais pas un élève remarquable », raconte-t-il. Il entreprend tout de même des études universitaires au Collège Loyola (aujourd’hui l’Université Concordia), mais se passionne plus pour les sports que pour les apprentissages. Il décide donc de prendre deux années sabbatiques pour tester le marché du travail. C’est durant cette période que la flamme de l’apprentissage scolaire s’allume chez le jeune homme, le poussant à retourner sur les bancs d’école. Il trouve enfin sa voie au détour d’un cours de biologie développementale. « Je me suis alors questionné sur les différences individuelles entre les membres d’une même espèce, se rappelle le professeur Meaney. De là est né mon intérêt pour les techniques de biologie et le questionnement psychologique qui me suivent depuis ce temps. »

Au cours de ses études pour obtenir un baccalauréat en biologie et en psychologie, il se questionne sur les facteurs environnementaux. Est-ce qu’ils peuvent altérer le développement d’une maladie et notre vulnérabilité au stress? Comment influencent-ils la biologie de l’individu? Comment le contexte et les effets familiaux se perpétuent-ils? Ces interrogations guideront ses études de maîtrise en psychologie clinique et de doctorat en psychobiologie à l’Université Concordia. Aujourd’hui encore, ces questions influencent ses travaux de grand spécialiste en neurosciences, en psychologie et en endocrinologie.

Son passage à l’Université Rockefeller, située à New York, a aussi été déterminant pour sa formation et la suite de sa carrière. « J’ai passé trois années postdoctorales dans un des laboratoires les plus réputés en neurosciences et en biologie, raconte le professeur Meaney. Les techniques que j’y ai apprises et les perspectives que j’y ai développées ont modulé le reste de ma carrière, sans oublier la confiance que j’y ai acquise. »

L’excellence de la recherche québécoise

Son amour pour le Québec ramène cet anglophone d’origine, né d’un père irlandais, à Montréal, sa ville natale. En 1985, il accepte un poste de professeur à la Faculté de médecine de l’Université McGill.À la tête du programme de recherche sur le comportement, les gènes et l’environnement, c’est à cette université qu’il fera sa marque. « Montréal est fabuleuse et très compétitive sur le plan scientifique, particulièrement en neurosciences, rapporte le chercheur. De plus, je préfère le contexte de recherche plus social et collaboratif du Québec à l’ambiance de type entrepreneurial de New York. »

Également chercheur à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, il est vite devenu l’un des neuroscientifiques les plus cités au monde. Son laboratoire a également publié trois des dix articles les plus cités dans l’histoire de Nature Neuroscience, une publication de premier rang dans le domaine de la neuroscience. L’un de ces articles a d’ailleurs été décrit comme la publication ayant inspiré la fusion de la neuroscience et de l’épigénétique, donnant ainsi naissance à une nouvelle discipline : l’épigénétique comportementale.

La reconnaissance mondiale ne se fait pas attendre. Le professeur Meaney reçoit notamment la médaille transatlantique de la Society for Endocrinology de Grande‑Bretagne, la médaille Thomas W. Salmon de la New York Academy of Medicine, un prix de la American Psychological Association pour sa contribution distinctive à la recherche et le titre du chercheur-boursier par excellence de la part du président de l’Université de la Californie à San Francisco. Il est également reçu chevalier de l’Ordre national du Québec en 2007, devient membre de la Société royale du Canada en 2011 et ajoute à sa liste d’honneurs l’insigne de l’Ordre du Canada en 2012. En octobre 2014, il reçoit le prix Klaus J. Jacobs de la Fondation Jacobs, située en Suisse.

En 2013 il fonde le Centre Ludmer en neuro-informatique et santé mentale. L’établissement, dont M. Meaney est le chercheur principal et le directeur scientifique, se spécialise dans le rassemblement, le traitement et l’analyse des masses de données complexes touchant à la neuro-imagerie, à la génétique, à l’épigénétique et au phénotype. Sa mission est critique pour le domaine de la psychiatrie. Le Centre s’est d’ailleurs vu attribuer une subvention de Brain Canada pour son travail en épigénétique et en santé mentale.

Quand on le questionne sur ce qui le rend le plus fier depuis ses débuts comme scientifique, le professeur Meaney n’hésite pas : « C’est la reconnaissance de mes pairs, de mon pays, comme en témoigne le fait de recevoir le prix Wilder-Penfield. Tout un honneur quand on sait que nul n’est prophète en son pays. »

Information complémentaire

Membres du jury :
Nathalie Lamarche (présidente)
Philippe Fait
Christiane Ayotte

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :

Direction photo / caméra : Rémy Boily
Prise de son : Serge Bouvier
Montage : Sylvain Caron, Trinh Nguyem-Dinh
Musique : Michael Wanner

Texte :
  • MEIE