Alan Evans, lauréate

Biographie

« Alan Evans est un trésor national, pense le professeur Jon Stoessl, directeur du Département de neurologie de l’Université de la Colombie-Britannique. Il a changé la neuro-imagerie pour en faire une discipline qui exploite d’énormes bases de données. Il a développé des méthodes et des systèmes qui facilitent le partage de ces banques de données entre les chercheurs du monde entier. Il a contribué à augmenter la compréhension des fonctions normales du cerveau. » Ce témoignage résume bien la contribution scientifique exceptionnelle du Dr Evans, lauréat du prix Wilder Penfield, devenu l’un des scientifiques les plus renommés dans les domaines de la neuro-imagerie, des neurosciences et de la neuroinformatique.

Le titulaire de la chaire James-McGill en neurologie, neurochirurgie, psychiatrie et génie biomédical à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro), à l’Université McGill, est surtout connu pour avoir contribué à cartographier le cerveau humain. Il a en effet codirigé pendant une dizaine d’années le projet Big Brain, qui a mené en 2013 à la mise en ligne d’une cartographie 3D haute résolution du cerveau, élaborée par une équipe de chercheurs du Neuro et du centre Forschungszentrum Jülich, en Allemagne. Cet outil accessible à tous sur Internet permet d’augmenter le grossissement des prises de vue sur le cerveau, jusqu’aux structures profondes et aux cellules, un peu comme on le fait avec Google Maps pour repérer les maisons d’une rue. « Cet atlas cérébral contient 125 000 fois plus de données qu’une imagerie par résonance magnétique, révèle le Dr Evans. C’est un outil qui aide les spécialistes à comprendre l’organisation interne de notre cerveau et qui facilite les recherches sur les maladies comme le parkinson et l’alzheimer. »

Pour Alan Evans, le monde s’arrête au cou, et le cerveau est le centre de tout. Il a donc consacré sa carrière à une meilleure compréhension de notre matière grise. Il a notamment été le premier chercheur à décrire en détail les changements morphologiques qui ont lieu durant un développement normal et anormal du cerveau.

« Dès que je me suis intéressé au cerveau, j’ai pensé que le futur des neurosciences résidait dans l’informatique, la puissance de calcul, le traitement et le partage des données », raconte le chercheur. À ses débuts, il y avait beaucoup d’argent injecté dans les tomodensitomètres (scanners), mais pas dans les ordinateurs pour analyser les données. La plus grande fierté d’Alan Evans est donc d’avoir réussi à associer la recherche sur le cerveau à l’informatique. Il se décrit d’ailleurs comme un scientifique horizontal, qui met au point des techniques pouvant être utilisées à plusieurs fins. Il a ainsi mis au point des méthodes et des outils statistiques novateurs pour mesurer l’épaisseur du cortex et la connectivité des neurones, mettant ainsi en évidence l’amincissement du cortex et les anomalies structurelles du réseau neurologique associés à l’âge et à la maladie d’Alzheimer. Le Dr Evans a conçu des biomarqueurs servant à diagnostiquer plus rapidement des maladies neurologiques et psychiatriques. Il a également redéfini le rôle de la neuro-imagerie en proposant des techniques et des outils analytiques qui sont maintenant utilisés mondialement. Par exemple, on sait que l’imagerie par résonance magnétique permet de prendre des images en 3D du cerveau pour comprendre les changements qui s’y opèrent au cours d’une vie. Mais en la combinant à la tomographie par émission de positrons (PET scan), on peut étudier l’accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau, considérée comme un facteur important de l’alzheimer.

Le projet CBRAIN, que le chercheur dirige depuis 2008, montre bien cette convergence entre l’informatique et les neurosciences qui lui tient à cœur. CBRAIN constitue une plateforme de recherche en ligne exploitant le réseau ultrarapide de la société CANARIE pour procurer aux scientifiques un accès immédiat aux données d’imagerie cérébrale en trois et en quatre dimensions. Ce logiciel, qui a servi de fondation à l’atlas Big Brain, figure parmi les dix percées technologiques de l’année 2014 répertoriées par le magazine MIT Technology Review.

Et dire que le brillant neuroscientifique n’a pas étudié dans un domaine qui touchait de près le cerveau! Il a plutôt fait un baccalauréat en physique et en mathématiques ainsi qu’une maîtrise en physique médicale à l’Université de Liverpool, au Royaume-Uni. Ensuite, il a poursuivi ses études au doctorat en biophysique à l’Université Leeds, où il a étudié le repliement des protéines en 3D. Il a rapidement été recruté par Énergie atomique du Canada, à Ottawa, comme physicien et analyste d’images par émission de positrons. Après quelques années à ce poste, il a déménagé à Montréal pour se joindre au Neuro, à l’Université McGill. Il s’est dès lors intéressé à l’imagerie du cerveau. Durant les années 1990, il a pris la direction du Centre d’imagerie cérébrale McConnell, toujours à McGill. En 1995, il a fondé avec des collègues l’organisation internationale Human Brain Mapping, qui se consacre à l’utilisation de la neuro-imagerie pour découvrir et cartographier l’organisation du cerveau humain. Ce regroupement de scientifiques compte aujourd’hui plus de trois mille membres! Loin d’en avoir trop à faire, Alan Evans a fondé en 2000 sa propre compagnie, Biospective, qui offre des services d’analyse d’images 3D pour des études cliniques ou précliniques pharmaceutiques. Et depuis 2014, il codirige avec le professeur Michael Meaney le Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale à McGill.

Cet impressionnant parcours lui a notamment valu de remporter, en 2004, le prix d’innovation et d’excellence Dr-Jean-A.-Vézina pour ses contributions à la neuroradiologie au Québec et, en 2015, d’être nommé membre de la Société royale du Canada. De plus, il s’est classé en tête de liste parmi les chercheurs en neurosciences et comportement en 2015. Depuis peu, il est président de l’Organization for Human Brain Mapping.

À 63 ans, avec 37 ans de carrière, un mariage qui dure depuis 40 ans avec son épouse Karen et trois filles dont il est très fier, Alan Evans n’est pas prêt de s’arrêter. Il poursuit son travail de chercheur passionné par le développement d’outils, pour observer, avec toujours plus de précision, ce qui se cache sous notre boîte crânienne. Il se promène dans les compagnies pharmaceutiques, où il parle du pouvoir des algorithmes pour faire rouler d’importantes bases de données. Et il dirigera le tout nouveau programme de recherche « Un cerveau sain pour une vie saine » de l’Université McGill. Mais, surtout, il prend le temps de regarder ses filles évoluer, en partageant avec elles l’amour des études, de la musique et du sport. Alan Evans compte aussi garder un peu de son temps pour son premier petit-enfant, qui verra le jour prochainement. Nul doute qu’il sera pour lui, comme pour l’ensemble de la relève scientifique, un modèle inspirant!

Information complémentaire

Membres du jury :
François Rousseau (président)
Vassillios Papapoudos
Nabil Seidah
Reiner Banken
Nathalie Rivard

Texte :
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