Graham Bell, lauréate

Biologiste de l'évolution

Naissance le 3 mars 1949 à Leicester, Angleterre, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Depuis 28 ans, Graham Bell trouve les réponses à des questions qui touchent l’essence même de la vie. D’où vient la biodiversité? Comment les espèces s’adaptent-elles à des changements de leur environnement? Pourquoi la reproduction sexuée est-elle apparue? Le biologiste de l’Université McGill est l’un des meilleurs spécialistes actuels de l’évolution. En combinant une approche théorique résolument pragmatique avec un sens de l’expérimentation rare dans cette discipline, Graham Bell s’est taillé une réputation de scientifique brillant, original et prolifique. Auteur notamment de quatre ouvrages majeurs et de sept articles dans la prestigieuse revue Nature, il se préoccupe aussi de diffuser l’histoire naturelle, en tant que directeur de l’imposant Musée Redpath d’histoire naturelle de l’Université McGill.

Graham Bell est natif de Leicester, en Angleterre. Jeune, il se révèle rapidement très doué pour les études, et les sciences naturelles l’attirent plus que tout. En dehors de l’école, il consacre son temps à toutes sortes d’activités extérieures, collectionne les fossiles, pratique la pêche et s’adonne au camping. En 1967, il est reçu au concours d’entrée de la célèbre Université d’Oxford où, après un baccalauréat en zoologie, il obtient son doctorat en écologie animale en 1974.

Cependant, l’Angleterre paraît bien petite aux yeux de cet amateur de grands espaces. Dès la fin de ses études postdoctorales à l’Université de York, Graham Bell s’envole pour le Canada avec sa conjointe. Après six mois à la Division des pêches et de la faune du gouvernement de l’Alberta, il s’établit à Montréal en 1976, où l’Université McGill lui offre d’abord un poste de chargé de cours avant de le nommer professeur. Le couple de Britanniques est emballé par la ville et ses accents européens, de même que par la proximité de la nature.

Dès le début de sa carrière à l’Université McGill, le biologiste se passionne pour les questions d’évolution. Son approche se distingue rapidement de celles des autres spécialistes. Soucieux de toujours valider ses idées théoriques, il invente de nouvelles méthodes et techniques d’expérimentation et teste ses hypothèses sur une multitude d’organismes vivants. En 1982, il publie son premier livre, The Masterpiece of Nature : The Evolution and Genetics of Sexuality, qui constitue depuis l’ouvrage de référence à propos de l’évolution de la sexualité. Le sérieux de Graham Bell ne fait aucun doute. Dans son second ouvrage, Sex and Death in Protozoa : The History of an Obsession, publié en 1989, le biologiste expose ses dernières théories et expériences à propos de la sexualité et du vieillissement des protozoaires; cet ouvrage fait aussi date.

Au fil des ans, Graham Bell ressent le besoin toujours plus impérieux d’asseoir la théorie sur des expériences reproductibles et fiables. Au cours des années 90, il adopte une approche très originale : plutôt que de chercher à comprendre comment des espèces ont évolué naturellement, il fait évoluer des micro-organismes dans son laboratoire pour observer, génération après génération, les modifications qui apparaissent. En étudiant ainsi une algue verte unicellulaire du nom de Chlamydomonas, le biologiste s’impose comme le pionnier de l’évolution induite expérimentalement, approche extrêmement fructueuse.

Depuis les années 2000, le professeur Bell élargit encore sa perspective en utilisant ses modèles pour étudier de multiples sujets, dont les origines de la biodiversité. Naviguant de la théorie à la pratique, il se penche sur des questions cruciales pour notre avenir, telles que l’évolution de la biodiversité sous la contrainte des changements climatiques. Toutefois, même lorsqu’il touche à des sujets d’un grand intérêt public, le chercheur n’est pas du genre à se vanter et à envahir les tribunes. Plutôt réservé, il préfère publier de solides articles qui ébranlent chaque fois la communauté scientifique. En 2003, par exemple, il met en garde les compagnies pharmaceutiques à propos des conséquences à long terme d’une nouvelle génération d’antibiotiques. Graham Bell démontre, preuve à l’appui, que ces produits risquent de mettre en péril notre système immunitaire en forçant l’évolution des bactéries. À la suite de son article, la création de ces antibiotiques est remise en question.

Chercheur réputé et membre du comité éditorial de plusieurs revues savantes, Graham Bell est aussi un formidable pédagogue, très apprécié de ses étudiants. En tant que membre fondateur du conseil de direction du Centre de recherche sur l’enseignement de l’évolution, géré conjointement par les universités McGill et Harvard, il s’est également engagé sur le plan personnel pour que les professeurs de biologie des écoles américaines et canadiennes reçoivent une solide formation à propos de l’évolution, de manière à faire échec au créationnisme.

Depuis 1995, Graham Bell dirige en outre le Musée Redpath d’histoire naturelle de l’Université McGill, auquel il consacre près de la moitié de son temps. Sous sa gouverne, cette institution plus que centenaire entame une cure de jouvence : ainsi, 1,5 million de dollars y ont été investis pour rénover les salles et offrir de nouvelles expositions. Rappelons que ce musée accueille chaque année près de 12 000 visiteurs, dont 6 000 élèves.

Graham Bell a déjà reçu plusieurs distinctions. Membre notamment de la Société royale du Canada depuis 1994, il sera élu au conseil de son Académie des sciences en 1995. Le biologiste reçoit également le prix Léo-Pariseau de l’Acfas en 2002. Malgré ses succès et un travail très prenant, Graham Bell sait rester simple : il ne manque jamais une occasion de s’échapper dans la nature en famille, avouant avec un sourire presque gêné son éternelle passion pour la pêche…

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2004

Membres du jury :
Nicole Benhamou, (présidente)
Carole Beaulieu
Deborah J. Buszard
Claude Hillaire-Marcel
Robert Emery Prud'homme
Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Texte :
  • Valérie Borde