Jacques Lacoursière, lauréate

Naissance le 4 mai 1932 à Shawinigan, décès le 31 mai 2021 à 

Entrevue

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Biographie

Animateur d’émissions de radio et de télé, auteur d’ouvrages best-sellers, conférencier sollicité pour les grandes comme les petites occasions, concepteur d’expositions muséales, Jacques Lacoursière est sans doute le plus visible des historiens québécois. Depuis maintenant 45 ans, ce vulgarisateur hors pair s’attache à transmettre à ses compatriotes la grandeur de l’histoire du Québec. En utilisant à cette fin honorable tous les moyens.

Dans son jeune âge, ce fils d’imprimeur né à Shawinigan en 1932 au sein d’une famille nombreuse s’imagine plutôt en littéraire, voire en romancier. Adolescent, il fréquente assidûment les grands auteurs, dont plusieurs sont alors à l’index, comme Baudelaire. Et sans Denis Vaugeois, peut-être aurait-il trouvé sa voie dans l’enseignement de la littérature ou encore, à l’instar de son illustre copain de classe Jean Chrétien, dans la pratique du droit.

L’histoire a happé Jacques Lacoursière un peu tardivement, vers la fin de la vingtaine, à la faveur d’un retour aux études effectué en 1960 à l’École normale Maurice-L.-Duplessis, à Trois-Rivières; le futur ministre et éditeur Denis Vaugeois y enseigne l’histoire et la psychologie. « Excellent dans la première discipline, moins bon dans la seconde! », se rappelle un Jacques Lacoursière amusé. Avec Denis Vaugeois et quelques autres, dont Mgr Albert Tessier, il sera de l’aventure du Boréal Express, lancé en 1962. Conçu à la manière d’un véritable journal, il évoque les événements du passé à l’aide de manchettes, d’articles, d’annonces… Pas moins de 10 000 abonnés sont bientôt au rendez-vous.

La période Boréal, qui prend fin en 1973, se révélera éminemment formatrice. Nul doute que Jacques Lacoursière ait découvert là l’importance de « raconter l’histoire », de l’« humaniser », de la traiter à la manière d’un « détective ». Dans cette optique il considère les dates, la chronologie – alors au fondement de l’enseignement de la discipline – comme un simple cadre. « L’histoire, c’est de l’humain », insiste-t-il. C’est ce qu’apprendront les élèves de quatrième secondaire à compter de 1968 dans Canada-Québec, synthèse historique, écrit en collaboration avec Denis Vaugeois et Jean Provencher. Des personnages, des faits, de l’action : son caractère novateur a installé la notoriété de l’ouvrage qui a connu plusieurs vies, dont une dernière (à ce jour) en 2000.

La participation au Canada-Québec ne sera pas le seul engagement de Jacques Lacoursière dans l’enseignement de l’histoire, loin s’en faut. Organismes et comités font appel à son expertise et en 1995-1996, il préside un groupe de travail mis sur pied par le ministère de l’Éducation du Québec. Aujourd’hui, il demeure en la matière un observateur et un critique acéré. « L’historien n’est pas objectif : ma vision de l’histoire du Québec et du Canada diffère forcément de celle, par exemple, d’un anglican de Toronto. Il peut néanmoins viser l’impartialité. Mais les programmes officiels veulent tellement éviter les éléments de confrontation, cherchent tellement l’objectivité qu’ils aseptisent le passé. »

En 1968, celui qui se présente depuis longtemps comme un simple « consultant en histoire » occupe, au ministère de l’Éducation, l’un des rares emplois salariés de sa carrière. Il y devient l’artisan d’une importante série radiophonique : En montant la rivière. Dès lors ses collaborations avec les médias électroniques ne cesseront plus. D’une longue liste on extraira l’émission de radio J’ai souvenir encore qu’il anime pendant une décennie, de 1994 à 2004, et l’impérissable Épopée en Amérique : une histoire populaire du Québec, lauréate de trois prix Gémeaux en 1997. La télésérie, qui se décline en treize épisodes d’une heure réalisés par le cinéaste Gilles Carle, sera diffusée sur Télé-Québec puis reprise par TVA et TV5. Jacques Lacoursière y fait office de recherchiste, rédacteur, coscénariste et animateur!

Épopée en Amérique témoigne à merveille des constantes de Jacques Lacoursière, animé par le désir de rendre l’histoire vivante, de réconcilier les Québécois avec leur propre histoire, de conscientiser les individus à leur présent par une meilleure connaissance de leur passé. C’est ce même désir qui l’aura incité à entreprendre en 1979, avec Hélène-Andrée Bizier, un projet ambitieux, et audacieux : la rédaction d’une série de fascicules coiffés du titre Nos racines, et vendus notamment dans les… supermarchés! Les 144 fascicules publiés jusqu’en 1982 trouvent leur public : au total, plus de 5 000 000 d’exemplaires s’envolent!

Les historiens n’ont pas tous applaudi à cette mise en marché peu orthodoxe de Nos racines. « L’important, c’est qu’on me lise », a toujours répondu le principal intéressé. Entendre : qu’on lise l’histoire, ce qui implique de la transmettre dans un langage compréhensible et vivant. Le langage de Jacques Lacoursière, on en a déjà récompensé la qualité, et trois fois plutôt qu’une! La Société d’histoire nationale du Canada a en effet souligné ses talents de vulgarisateur en lui décernant le prix Pierre-Berton en 1996, alors que la Médaille de l’Académie des lettres du Québec lui était remise en 2002 et que le Prix des Bouquinistes du Saint-Laurent couronnait l’ensemble de son œuvre en 2007. « Est-ce surtout mon style que l’on retient? » fait mine de s’inquiéter ce bourreau de travail doté d’un solide sens de l’humour.

C’est à partir de la matière amassée pour Nos racines que Jacques Lacoursière concoctera son grand œuvre : Histoire populaire du Québec populaire renvoyant à peuple –, publié en quatre tomes entre 1995 et 1997. Une fois de plus les non-spécialistes applaudissent à la vivacité du style, les historiens reconnaissent quant à eux la rigueur démontrée dans la magistrale synthèse, et au final l’éloge est unanime. La manière Lacoursière? Relier les grands événements et les gens ordinaires qui en ont subi les conséquences, relater les conditions d’existence de nos ancêtres, et ne pas craindre d’y mettre un supplément d’âme. « Comment vivaient les soldats qui ont fait la bataille des plaines d’Abraham? et leurs femmes restées au foyer? Cela m’importe beaucoup plus que la bataille elle-même », dit ainsi l’historien pour résumer sa démarche.

Lu, vu et entendu, Jacques Lacoursière a néanmoins souventes fois travaillé dans l’ombre en collaborant avec des revues, des sociétés d’histoire, des sociétés de généalogie et des musées. On soulignera seulement qu’il fut l’un des principaux artisans de l’exposition permanente Mémoires du Musée de la civilisation : une autre réalisation notable du très polyvalent historien car l’exposition inaugurée en 1988 fera date parmi les activités du Musée, autant en raison de sa longévité que de son succès populaire.

Au moment où on lui annonçait qu’il était le quinzième lauréat du prix Gérard-Morisset, Jacques Lacoursière peaufinait le cinquième tome d’Histoire populaire du Québec. La période couverte – 1960-1971 – est aussi brève que riche, avec la Révolution tranquille, l’émancipation des femmes, la crise d’Octobre… « Plus on approche de l’époque contemporaine, plus on a tendance à être prolixe parce qu’on ne sait pas exactement ce qui sera retenu », s’excuse presque l’historien. Reste qu’il songe à un sixième tome afin de conduire son cycle jusqu’en 1982, année du rapatriement de la Constitution canadienne. « Si Dieu me prête vie », se plaît à dire celui pour qui l’Histoire demeure un des plus précieux lieux de patrimoine.

Cet ardent gardien et passeur de la mémoire collective a été fait chevalier de l’Ordre national du Québec en 2002, membre de l’ordre national du Mérite de la République française en 2003 et membre de l’Ordre du Canada en 2006.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 novembre 2007

Membres du jury :
Danielle Pigeon, présidente
Yves Bergeron
Guy-André Roy
Marie-Odile Trépanier

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec
Réalisation : Alain Drolet
Caméra et direction photo : Ronald Landry
Caméra : Guylaine Pariseau
Prise de son : Simon Careau
Montage : Andréane Cyr, Digipoint
Montage sonore : Stéphane Carmichael, Studio Expression
Programmation DVD : Jean Michaud, Digipoint
Compression numérique : Hugo Comtois, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline
Béchard, Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif,
Alexis Le May, Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Richard Joubert
Texte :
  • Francine Bordeleau