Jacques Ferron, lauréate

Naissance le 20 janvier 1921 à Louiseville, décès le 22 avril 1985 à Longueuil

Biographie

Le docteur Ferron occupe une partie du ciel de notre littérature. Par
l’ampleur de son œuvre et de son engagement social comme médecin,
éveilleur de conscience et militant, il a imprimé sa marque sur
les liens que tisse la littérature avec le réel d’un peuple. Plusieurs
personnages de son univers romanesque, Tinamer de Portanqueu (L’Amélanchier,
1970), Baron (Les Roses sauvages, 1971), Frank (La Nuit, 1965),
sont devenus des archétypes de son « pays incertain », portés
par les mots des traditions orale et écrite.

Mythifié et légendaire de son vivant, Jacques Ferron a fouillé
avec un instinct sûr et retors les mythologies connues et inconnues des
provinces du Québec, ces lieux physiques comme la Gaspésie tout
autant que ces lieux psychiques que sont les névroses des gens aux apparences
ordinaires tout autant que celles des nombreux malades qu’il a soignés.
Ses romans et ses escarmouches multiples, son théâtre (Les Grands
Soleils
, 1958), il les a écrits pour révéler les Québécois
à eux-mêmes, en cautionnant les blessures et les folies de leur
imaginaire, qu’il a cartographié avec une finesse parfois cynique, souvent
voltairienne. Avec ses personnages typés, mi-historiques et mi-inventés,
il a su plaire et déplaire, sans laisser personne indifférent,
avec un style évocateur, ici tendre et compatissant, là baroque
et délirant, ailleurs incisif, provocateur, dénonciateur, pourfendeur.

Médecin-écrivain comme Rabelais, Céline et Breton, Jacques
Ferron a pratiqué tous les genres qui pouvaient servir son propos et
son plaisir : théâtre, récits, historiettes, romans, soties,
pamphlets, épîtres, etc. Observateur efficace, il a conjugué
ses activités professionnelles à celles d’homme de lettres, portant
sur la nature humaine un regard perçant, d’une lucidité implacable.
Son cynisme et son ironie mordante ne sont pas sans cacher les grands doutes
qu’il entretenait pourtant sur l’avenir du Québec, sur sa langue, sur
lui-même et son œuvre, et sur le sort des minorités francophones
menacées en sol d’Amérique.

Victor-Lévy Beaulieu lui a consacré un essai-pèlerinage
: « Jacques Ferron est le seul romancier qui ait tenté, tout au
long d’une œuvre maintenant essentielle, de nous donner une mythologie.
Son écriture d’ailleurs hésite toujours entre le mythe et le réel,
entre l’imaginaire, le rêve québécois et le quotidien. »
Jacques Ferron croyait au pouvoir de la littérature pour changer le monde,
lui qui porta aussi sa parole en action politique, fondant en 1963 le Parti
Rhinocéros, « parti de guérilla intellectuelle ».

Information complémentaire

Date de remise du prix :
19 décembre 1977

Membres du jury :
Nicole Brossard (présidente)
Yvan Lamonde
Françoise Loranger
Gilles Marcotte
Jean Paré
Crédit photo :
  • Jules Rochon
Texte :
  • Pierre Filion