Roland Giguère ne se perd pas en mots inutiles, il plonge droit au cœur
  des choses. Voilà pourquoi, sans doute, ses aphorismes séduisent
  et restent en mémoire. 
De ses révoltes de jeune homme, né dans le quartier Villeray
  à Montréal, dans un milieu humble, dans un monde encore prisonnier
  de l’obscurantisme, de ce que l’on nomme toujours la « grande noirceur
  », de ses révoltes donc, de ses aspirations, Roland Giguère
  fait des poèmes. Il a 18 ans, il écrit et il aime l’objet-livre.
  Pour réaliser ses rêves, il prend le seul moyen alors à
  sa disposition et fait le premier geste important de sa vie : il s’inscrit à
  l’Institut des arts graphiques. Il sera typographe. Il ne perd pas de temps.
  Son premier livre, c’est à l’école qu’il le produit. Il imprime
  ses poèmes à 100 exemplaires avec l’aide des copains et celle
  du maître, Albert Dumouchel. Il saura comment « faire naître
  » un livre : écrire, composer, imprimer, éditer ; il saura
  mettre ses multiples talents au service du livre, avec patience et respect.
  Roland Giguère a 20 ans quand il fonde les Éditions Erta ; il
  y publiera ses œuvres et les textes de plusieurs poètes québécois.
Poète, typographe, éditeur, maquettiste, graveur, lithographe,
  amant des mots et des signes, voilà Roland Giguère tel qu’en lui-même.
  L’homme trouve autant de plaisir à composer un texte lettre par lettre
  qu’à écrire un poème. Le métier de typographe, tel
  qu’il l’a aimé et pratiqué, n’existe plus, la technologie en ayant
  bousculé les règles. Il aimait trop sans doute choisir les lettres
  une à une et voir ainsi naître le poème. Il a préféré
  s’arrêter.
Roland Giguère, qui a publié plusieurs recueils dont L’Âge
  de la parole (1965), Forêt vierge folle (1978), La Main
  au feu (1987) et Illuminures (1997), est conscient « qu’il
  n’y a pas de place pour le poète dans le monde d’aujourd’hui. Le cri
  du poète est perdu. » Toutefois, sa conviction reste inébranlable
  : « Le poète est un révolutionnaire, il est et restera en
  marge, c’est un sismographe, sa sensibilité reçoit des ondes et
  il réagit de façon véhémente. Le rôle du poète,
  c’est crier, se révolter, écrire. La poésie n’est pas un
  art populaire, c’est un art de révolte et de maquis. » 
 
								 
								 
								