Benoît Lacroix, lauréate

Théologien

Naissance le 8 septembre 1915 à Saint-Michel-de-Bellechasse, décès le 2 mars 2016 à Montréal

Biographie

[…] ce savant au visage humain et cet animateur intellectuel incomparable
a su si heureusement faire le pont entre son savoir de l’Ancien Monde et ses
racines du Nouveau.

Pierre Savard, professeur titulaire, Département d’histoire, Université
d’Ottawa.

Un humaniste et un médiéviste

Théologien, spécialiste des religions populaires, écrivain,
historien de la littérature et prêtre dominicain, Benoît
Lacroix est, comme l’écrit Jacques Grand’Maison en 1981, « l’un
des meilleurs témoins, au Québec, à titre de médiéviste
et d’historien, de la tradition intellectuelle qui a façonné la
pensée occidentale ».

Pour comprendre Benoît Lacroix, il faut avoir à l’esprit l’hypothèse
selon laquelle la culture populaire des Canadiens français serait héritée
directement du Moyen Âge et que les francophones du Québec auraient,
en quelque sorte, escamoté la période de la Renaissance. Cela
permet d’envisager l’histoire québécoise sous un jour nouveau.

Ce savant sait en outre comment éveiller l’intérêt pour
les traditions et les religions populaires. Dès 1950, les qualités
de médiéviste et de chercheur en traditions populaires se manifestent
dans le premier ouvrage de Benoît Lacroix : Pourquoi aimer le Moyen
Âge
. Elles transparaissent ensuite tout au long de son œuvre
et sont encore affirmées en 1986 dans La religion de mon père
et, en 2001, dans La foi de ma mère.

L’humanisme et la dualité culturelle

Né dans une famille de cultivateurs, à Saint-Michel-de-Bellechasse,
Benoît Lacroix étudie la théologie, l’histoire et les lettres,
qu’il enseigne dans plusieurs universités, au Québec et à
l’étranger. Son port d’attache reste cependant l’Institut d’études
médiévales de l’Université de Montréal, où
il enseigne pendant 40 ans et dont il est directeur de 1963 à 1969.

Le dominicain Benoît Lacroix est un humaniste accompli qui, d’après
Fernand Dumont, « sait concilier de manière absolument remarquable
sa contribution à la culture savante et son affinité avec les
gens des milieux populaires. Cette présence aux deux extrémités
de la culture, sans fausseté, sans artifice, est tout à fait exceptionnelle.
 » La dualité culturelle de l’auteur est bien illustrée,
selon le sociologue, dans les trois ouvrages importants que sont Orose et
ses idées
, La religion de mon père et La Foi de
ma mère.

De la religion des érudits
à la religion populaire

Benoît Lacroix s’est toujours intéressé à l’historiographie
et plus particulièrement aux historiens du Moyen Âge et de l’Antiquité.
Sa thèse de doctorat, Orose et ses idées, publiée
en 1965, met en relief l’influence marquante de cet historien théologien
latin, ami de saint Augustin. Dans un style érudit, l’ouvrage actualise
les problèmes du « devenir des civilisations » qui se posaient
à Orose en 417.

Parallèlement à ce livre d’une structure scientifique rigoureuse,
Benoît Lacroix publie des ouvrages destinés à un large public.
Ainsi, plusieurs contes et études sur la tradition populaire, telle que
la vivent les Canadiens français dans leur région natale, expriment
différentes facettes de la culture traditionnelle. Ces ouvrages continuent
de présenter des analyses historiques et ethnographiques fouillées,
mais le style, plus accessible, est empreint de tendresse et d’humour.

La religion de mon père se situe dans ce registre. C’est une
étude vivante et colorée de la religion populaire. L’auteur y
parle de son père, Caius Lacroix, qu’il présente comme « 
pas plus dévotionneux qu’il le fallait, mais respectueux de son curé
et fidèle observateur des rites religieux ». Ce livre illustre
ce qu’a été réellement la religion de plusieurs générations
de Canadiens français. Fernand Dumont croyait, du reste, que cet ouvrage
était certainement le plus important jamais publié sur le sujet.

L’importance culturelle de la religion

L’étude des religions populaires au Québec ne serait pas la même
sans la contribution du père Lacroix. Il met en branle, au début
des années 70, une série de colloques où se réunissent
pendant dix ans des dizaines de chercheurs de tous les horizons. Il crée
à Montréal le Centre d’études des religions populaires,
concept qui essaime ensuite dans plusieurs centres européens. Il est
membre fondateur du Centre d’interprétation des nouvelles religions et,
à partir de 1981, il coordonne, à l’Institut québécois
de recherche sur la culture, une vaste enquête sur les rapports du peuple
québécois avec ses racines religieuses. Il écrit à
cet égard en 1982 : « De tous les faits culturels connus à
travers les temps, les religions comptent parmi les plus indéracinables
et les plus irréversibles. C’est que la foi en soi est naturelle et le
sacré instinctif. »Malgré une intense activité scientifique
et créatrice, Benoît Lacroix demeure plus que tout un religieux.

Enseignant pendant 40 ans, le père Lacroix reste proche des jeunes et
il n’hésite pas à dire ceci : « Mes véritables maîtres,
ce sont mes étudiants. Ce sont eux qui m’informent et qui m’inspirent.
 » De façon plus générale, son inspiration véritable
est peut-être le peuple de son pays. Lorsqu’il est reçu membre
de la Société royale du Canada en 1971, il emprunte alors pour
son discours d’introduction les mots d’un vieux sage chinois afin d’illustrer
brièvement les notions de patrimoine et de continuité qui sous-tendent
son œuvre : « Les hommes du peuple sont les racines du pays. Si les
racines sont profondes, le peuple connaîtra la paix. »

Résumé de la carrière de Benoît Lacroix

1951
Doctorat en sciences médiévales du Pontifical Institute of Medieval Studies à Toronto

1951-1980
Professeur à l'Institut d'études médiévales de l'Université de Montréal

1968
Directeur fondateur du Centre d'études des religions populaires

1971
Membre de la Société royale du Canada

1980
Médaille Chauveau de la Société royale du Canada

1981
Prix Léon-Gérin

1985
Officier de l'Ordre du Canada

1990
Doctorat honoris causa de l'Université de Sherbrooke

1996
Grand officier de l'Ordre national du Québec

Information complémentaire

Date de remise du prix :
19 octobre 1981

Membres du jury :
Micheline Audette-Filion
Léonard Audet
Hubert Charbonneau
Jean-Louis Gendron
Henri Saint-Pierre
Crédit photo :
  • Daniel Lessard
Texte :
  • Élaine Hémond
Mise à jour :
  • Nathalie Dyke