Claude Hillaire-Marcel, lauréate

Géologue

Naissance le 1 avril 1944 à Salies-de-Béarn, France, décès le à 

Biographie

Claude Hillaire-Marcel est un grand voyageur, dans le temps comme dans l’espace.
Spécialiste mondial de la géochimie isotopique, il raconte l’histoire
de la Terre, de ses déserts et de ses océans, en sillonnant le
monde du Sahara à l’océan Arctique, du fjord du Saguenay aux îles
Canaries. Depuis plus de 30 ans, ses découvertes permettent de mieux
comprendre les transformations géologiques et climatiques en cours, résultantes
de la dynamique propre à la planète ou conséquences de
l’activité humaine.

Ce goût du voyage lui vient peut-être de son enfance, à
l’époque où Claude Hillaire-Marcel résidait en France,
allant d’un pensionnat à un autre dans les années 40 et 50.
Originaire du Sud-Ouest, il vit aussi à Nice, puis à Paris. C’est
déjà un naturaliste dans l’âme, collectionneur de cailloux
et de végétaux. Il se passionne également pour la philosophie,
qu’il considère comme très proche de la démarche scientifique.
Dans les années 60, Claude Hillaire-Marcel opte finalement
pour les sciences naturelles et s’inscrit à la Sorbonne. Il se spécialise
en géologie, une discipline à son image, réclamant à
la fois des études sur le terrain propres à satisfaire son goût
du voyage, mais aussi une grande rigueur intellectuelle pour interpréter
les données et en tirer des conclusions de large portée. À
la fin de ses études, il choisit la coopération internationale.
Deux pays s’offrent à lui : le Liban, « le paradis sur la
terre à cette époque », et le Canada, qui lui permettra
d’entamer une carrière en recherche sans pour autant couper les ponts
avec le milieu universitaire français.

Claude Hillaire-Marcel arrive au Québec en pleine Révolution
tranquille. En 1969, il est engagé comme professeur au Département
des sciences de la Terre et de l’Atmosphère de la toute nouvelle Université
du Québec à Montréal (UQAM), auquel il restera toujours
fidèle. Rapidement, il met en place un programme de recherche d’envergure
en géochimie isotopique. Cette discipline est basée sur l’étude
des isotopes stables et radioactifs de différents éléments
chimiques présents dans les roches. Comme les isotopes radioactifs se
décomposent naturellement à un certain rythme, ils permettent,
par exemple, de dater des échantillons et de reconstruire ainsi l’histoire
géologique, océanique ou climatique de la planète, les
roches conservant des traces de l’environnement auquel elles ont été
soumises par le passé. La géochimie isotopique constitue ainsi
une fantastique machine à voyager dans le temps, aux commandes de laquelle
Claude Hillaire-Marcel multiplie les découvertes.

En 1979, le chercheur met sur pied le Centre de recherche en géochimie
et géodynamique, mieux connu sous le nom de GEOTOP. Aujourd’hui,
ce dernier est reconnu sur le plan mondial. Il compte vingt chercheurs principaux
ainsi qu’une quinzaine de chercheurs associés et forme de nombreux étudiants
des deuxième et troisième cycles. Depuis ses débuts, Claude Hillaire-Marcel
a supervisé une cinquantaine d’étudiants à la maîtrise
et au doctorat : laisser libre cours à leur imagination tout en
assurant leur formation universitaire, voilà l’une des plus grandes joies
de sa carrière. Les anciens lui en sont reconnaissants : le Cercle des
anciens et amis du GEOTOP, créé en 1996, compte plus de 100
membres répartis dans une vingtaine de pays, sur tous les continents.

Avec un professeur aussi curieux, nul doute que les étudiants sont à
bonne école. Au cours de sa carrière, Claude Hillaire-Marcel
se penche en effet sur des sujets de recherche d’une rare diversité.
Avec d’autres chercheurs de l’UQAM, il met au point, par exemple, une méthode
basée sur l’étude des isotopes pour distinguer le véritable
sirop d’érable du « sirop de poteau ». Il s’intéresse
aussi à la physiologie de l’effort et conçoit même, toujours
grâce aux isotopes, un test respiratoire pour les veaux ! Cependant,
l’histoire qui ne cesse de le passionner, c’est celle de la Terre, dont il étudie
sans relâche l’évolution géologique et climatique.

À ses débuts, Claude Hillaire-Marcel cherche surtout à
retracer les variations du niveau de la mer et les changements du milieu marin
qui ont marqué les basses-terres du Saint-Laurent et le nord du Québec
à l’époque du quaternaire. Dans les années 80, il
dirige le Laboratoire de géologie du quaternaire du Centre national de
la recherche scientifique de France en parallèle avec le GEOTOP. Avec
ses collègues français, il diversifie ses champs de recherche
vers les régions tropicales, en Afrique notamment. Entre autres résultats,
il démontre l’existence de climats humides dans des régions aujourd’hui
désertiques. De 1989 à 2000, Claude Hillaire-Marcel
dirige ensuite la Chaire industrielle Hydro-Québec/Conseil de recherches
en sciences naturelles et en génie du Canada/Université du Québec
à Montréal (Hydro-Québec/CRSNG/UQAM), où il s’intéresse
notamment au cycle du mercure et aux gaz à effet de serre dans les réservoirs
hydroélectriques. Ses travaux sur les changements dans la circulation
des océans et leurs effets sur le climat donnent lieu notamment à
de nombreuses publications dans des revues prestigieuses, telle que Nature.
Depuis 2000, le chercheur est titulaire d’une chaire de l’Unesco sur les
changements à l’échelle du globe, une problématique dans
laquelle il se sent aujourd’hui obligé de s’engager personnellement.
Toutefois, c’est encore d’un ton passionné qu’il parle de ses recherches
en cours sur l’histoire de la circulation des masses d’eau dans l’océan
Arctique, dont les résultats permettent de valider des modèles
de prédiction climatique tant discutés.

En vingt ans, Claude Hillaire-Marcel a conduit sept missions en mer et
plus d’une vingtaine d’expéditions hors du Canada. Cette vie physiquement
exigeante sur le terrain, il la dit nécessaire à son équilibre
mental. N’être aux prises qu’avec des problèmes immédiats,
un moteur qui casse en plein désert ou une tempête en mer, lui
semble paradoxalement reposant. Ses paysages préférés sont
sans limites, ils n’offrent aucune barrière au regard. Le Nouveau-Québec,
le Sahara, la mer, voilà où l’homme puise son énergie.
Pour s’évader entre deux missions, il y a aussi les livres, de la littérature
anglaise du XVIIIe et du XIXe
siècle aux intrigues policières du bush australien, et la musique.

Réputé pour son ouverture d’esprit, son intégrité
et sa rigueur scientifique, Claude Hillaire-Marcel est invité à
participer à de nombreux comités scientifiques tout au long de
sa carrière. Il est actuellement membre, entre autres, du comité
scientifique de l’Institut du Sahel et du comité exécutif du Fonds
québécois de recherche sur la nature et les technologies (NATEQ),
dont il est aussi vice-président. Éditeur au fil des ans de plusieurs
revues spécialisées, il est membre d’une douzaine de sociétés
savantes et de la Société royale du Canada, depuis 1991.
Ses travaux lui ont déjà valu de nombreuses récompenses,
dont le prix Michel-Jurdant de l’Association canadienne-française pour
l’avancement des sciences (ACFAS) en 1992.

Résumé de la carrière de Claude Hillaire-Marcel

1969-
Professeur titulaire au Département des sciences de la Terre et de l'Atmosphère de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)

1979
Doctorat d'État ès sciences de l'Université Pierre et Marie Curie (Paris VI)

1981-1989
Directeur du Centre de recherche en géochimie isotopique et géodynamique (GEOTOP) de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)

1983-1985
Directeur du Département des sciences de la Terre et de l'Atmosphère de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)

1984-1989
Directeur du Laboratoire de géologie du quaternaire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), France

1989-2000
Titulaire de la Chaire industrielle Hydro-Québec/Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada/Université du Québec à Montréal (Hydro-Québec/CRSNG/UQAM)

1991-
Membre de l'Académie des sciences de la Société royale du Canada

1992
Prix Michel-Jurdant de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS)

1997-2000
Directeur du Centre de recherche en géochimie isotopique et géodynamique (GEOTOP) de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)

2000
Médaille du mérite scientifique en environnement de l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec (APGGQ)

2001
Titulaire d'une chaire de l'Unesco sur les changements à l'échelle du globe de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)

2002
Vice-président du conseil d'administration du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies (NATEQ)

Information complémentaire

Date de remise du prix :
5 novembre 2002

Membres du jury :
John J. Jonas (président)
Gérard Ballivy
Marie Bernard
Rung Tien Buï
Suzanne Lemieux

Crédit photo :
  • Alain Désilets
Texte :
  • Valérie Borde