John R. Porter, lauréate

Naissance le 28 avril 1949 à Lévis, décès le à 

Entrevue

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Biographie

John R. Porter est assurément l’un des historiens de l’art les plus en vue au Québec. Il faut dire que depuis son arrivée à la tête du Musée national des beaux-arts du Québec, en 1993, l’homme multiplie les coups d’éclat. Les plus remarquables restent sans conteste l’exposition Rodin à Québec, en 1998 – avec son demi-million de visiteurs, elle fut l’exposition d’oeuvres d’art la plus fréquentée dans le monde cette année-là! -, et la création, en 2000, d’une salle permanente réservée au plus fameux de nos artistes sur la scène internationale, Jean-Paul Riopelle. John Porter a dû faire preuve d’une bonne dose de détermination pour réaliser ce projet et en arriver, comme c’était son voeu, à ce que « son » musée abrite la plus importante collection publique doeuvres de ce grand peintre, sculpteur et graveur québécois. La seule acquisition de l’immense triptyque Hommage à Rosa Luxemburg fut une véritable saga! Mais la détermination est justement l’une des vertus cardinales de ce Lévisien d’origine.

En 1972, à l’âge de 23 ans, John Porter est le premier à obtenir une maîtrise en histoire de l’art à l’Université Laval. Il soutiendra sa thèse de doctorat à l’Université de Montréal en 1981. Entre-temps, il publie L’Art de la dorure au Québec du xvii e siècle à nos jours . L’éloge vient alors de haut : Mgr Félix-Antoine Savard, lui-même écrivain, parlera des « pages un peu surnaturelles » de ce livre écrit par le « jeune Porter », un livre consacré à un mystérieux métier d’art et qui est encore consulté aujourd’hui par des restaurateurs québécois et étrangers. Déjà, il y témoigne de la conviction profonde, jamais démentie depuis, que la restauration des oeuvres anciennes constitue la voie royale pour préserver l’authenticité de ce patrimoine et le garder toujours vivant. Cette conviction, il se sera sans relâche employé à la faire partager par ses contemporains, comme l’attestent plusieurs de ses publications, mais aussi des actions très concrètes. Ainsi lancera-t-il le Musée dans un ambitieux programme de restauration d’oeuvres, afin de redonner au Québec des pièces majeures de son patrimoine. Dès 1994, l’exposition Restauration en sculpture ancienne représentait une belle entreprise de séduction, de sensibilisation et d’éducation du public.

John Porter, de fait, est un pédagogue dans l’âme. Il démarre sa carrière professionnelle comme conservateur adjoint de l’art canadien ancien au Musée des beaux-arts du Canada, poste qu’il occupe de 1972 à 1978. Mais c’est ensuite à l’Université Laval qu’on le croise. Il ne rompra jamais les liens avec son alma mater, puisqu’il y a encore le statut de professeur associé. Pour ses étudiants au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat, il aura été un professeur marquant. John Porter a une passion : l’art sous toutes ses formes, et il en a imprégné ses cours. Plus que de simples connaissances théoriques, le professeur Porter a su transmettre à ses étudiants le feu sacré.

Lorsque John Porter commence à enseigner, l’histoire de l’art est encore une discipline jeune au Québec et, par conséquent, il se préoccupe de la formation des chercheurs. Dirigeant d’importants projets de recherche, il donne à plusieurs de ses jeunes collaborateurs l’occasion de faire leurs armes et de se mettre en valeur. Certains d’entre eux se souviennent de l’aventure exaltante du Grand Héritage, l’exposition organisée par le Musée du Québec pour souligner la visite à Québec du pape Jean-Paul II, en septembre 1984. Membre du comité scientifique chargé de concevoir le volet artistique de l’exposition, il joue un rôle clé dans la sélection des pièces et la rédaction du catalogue intitulé Le Grand Héritage. L’Église catholique et les arts au Québec. À cette occasion, il fait découvrir des oeuvres majeures dont les traces semblaient perdues à jamais. Mais les découvertes de John Porter, en matière de patrimoine québécois, ne commencent ni ne s’arrêtent là, loin s’en faut. Coquin de sort, c’est lui qui résout « l’énigme du baldaquin » de l’église de Neuville – le plus vieil ensemble sculpté du Régime français, que tous croyaient disparu -, une énigme à laquelle s’était notamment buté… nul autre que Gérard Morisset!

L’exposition est à peine terminée que John Porter s’attelle à ce qui s’avérera un ouvrage phare sur la sculpture. Événement rarissime dans le monde de l’histoire de l’art, La Sculpture ancienne au Québec. Trois Siècles d’art religieux et profane, publié en 1986 et auquel collabore Jean Bélisle, de l’Université Concordia, est salué par les spécialistes comme par les… profanes, justement. À cet égard, la production écrite de John Porter force l’admiration, tant par sa qualité que par sa quantité : on lui doit entre autres quelque 370 notices de catalogues et 160 articles scientifiques, ainsi qu’une quinzaine d’ouvrages dont il est l’auteur unique ou principal! De fait, aucun historien de l’art québécois contemporain n’a autant écrit sur autant d’aspects de notre patrimoine. Toutes ses réflexions sur l’art et la muséologie ont une audience qui déborde largement les frontières du Québec.

Au détour de ses travaux sur la sculpture, John Porter a l’intuition de l’importance patrimoniale du mobilier de l’époque victorienne au Québec. Désireux d’intensifier la recherche dans ce domaine jusqu’alors négligé, il met sur pied une équipe multidisciplinaire qui se veut au carrefour de l’histoire, de l’histoire de l’art, de l’ethnologie, de la géographie, de la restauration, de la sociolinguistique et de la muséologie. Ces travaux débouchent sur l’exposition Un art de vivre : le meuble de goût à l’époque victorienne au Québec . D’abord présentée au Musée des beaux-arts de Montréal – où John Porter fait un passage remarqué de 1990 à 1993 à titre de conservateur en chef -, l’exposition se déplace ensuite au Musée de la civilisation, à Québec. Au pays comme à l’étranger, en français comme en anglais, l’ouvrage qui l’accompagne est accueilli avec enthousiasme et qualifié de « monumental »! En somme, avec John Porter, la recherche et les travaux pointus ne tardent jamais à se diffuser.

Historien de l’art, John Porter a sans contredit donné une impulsion prodigieuse à la recherche sur l’art du Québec des origines à nos jours ; muséologue, il a réinventé, démocratisé et enrichi l’institution qu’il dirige depuis plus d’une décennie. Sa première initiative, à titre de directeur général, fut ainsi d’en ouvrir toutes grandes les portes à la population. Pour lui, les oeuvres que recèlent les musées ne doivent pas demeurer dans les réserves, mais être appréciées en pleine lumière. Il aura du reste souvent réitéré, au cours de sa carrière, que l’institution-musée a le devoir social de partager ses richesses avec la communauté, car l’oeuvre d’art n’est vivante que si elle fait l’objet d’une appropriation collective.

Fort de ce principe, John Porter aura utilisé ses talents de vulgarisateur et de communicateur hors pair pour entraîner le public en des avenues peu fréquentées. En effet, il ne s’est pas contenté d’accorder une place d’honneur aux Jean-Paul Riopelle et Jean Paul Lemieux – qui a également sa salle permanente au Musée; jouant souvent d’audace, il a amené la population québécoise à la découverte ou à la redécouverte d’artistes comme Joseph Légaré, Suzor-Coté, Louis-Philippe et Henri Hébert, Jean Dallaire, Marian Dale Scott, Maurice Perron, Mimi Parent et Jean Benoît, Madeleine Arbour, Denis Juneau, Rita Letendre, Dominique Blain et bien d’autres.

Animé par le désir de « conjuguer le durable et l’éphémère », John Porter est assurément un homme de vision. Pour lui, le patrimoine n’est nullement une simple accumulation de souvenirs du passé, c’est bel et bien « un ensemble de traces parlantes et d’échos tangibles de notre genèse individuelle et collective » ; à ce titre, les diverses expressions du patrimoine méritent que les communautés se les approprient afin de les conserver, de les réactualiser et de les transmettre. Conservation et réactualisation, passé et avenir s’incarnent, chez John Porter, dans son inlassable passion à nous révéler à nous-mêmes.

Récipiendaire de nombreuses reconnaissances dont le prix carrière 2003 de la Société des musées québécois, John Porter est fait chevalier de l’Ordre des arts et des lettres de la République française en 1998, chevalier de l’Ordre national du Québec en 2002 et chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur de France en 2003.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2004

Membres du jury :
Richard Dubé (président)
Michel Faubert
Raymonde Gauthier
Guy W. Richard

Crédit photo :
  • Denis Chalifour
Texte :
  • Francine Bordeleau