Claude Jutra, lauréate

Naissance le 11 mars 1930 à Montréal, décès le 5 novembre 1986 à 

Biographie

Si Claude Jutra a été au centre de la grande aventure du cinéma
direct au Québec, s’il s’est impulsivement rendu à Abidjan pour
travailler avec l’ethnocinéaste français Jean Rouch après
avoir vu Moi, un Noir, il demeure que Jutra est d’abord un cinéaste
de fiction qui ne tardera pas à s’y replonger. À tout prendre
(1963), son deuxième long métrage, constitue en quelque sorte
le prélude à l’explosion du jeune cinéma québécois
de fiction et de ce fait inscrit notre cinématographie dans l’effervescence
des cinémas nationaux des années soixante. Habile directeur d’acteur,
comédien lui-même – on le savait depuis Pierrot des Bois
(1956) et, surtout, Il était une chaise (1957), coréalisé
avec Norman McLaren – Jutra s’y révèle un réalisateur sensible
et brillant, apte à associer la gravité et le rire.

Mon oncle Antoine (1970) confirme le talent du cinéaste. Plébiscité
meilleur long métrage canadien de l’histoire, ce film intègre
les acquis du direct (notamment à travers la souplesse du filmage) à
l’intérieur d’une chronique sociale située dans une petite ville
minière. Encore une fois, c’est la sensibilité de Jutra et la
justesse avec laquelle il approche et cerne ses personnages qui le distinguent.

Fils de médecin, lui-même diplômé en médecine,
Claude Jutra n’arrivera plus, par la suite, à vraiment justifier son
talent singulier. Jim Leach, qui lui a consacré un essai important, remarque
d’ailleurs avec justesse qu’à « l’exception de Mon oncle Antoine,
les films de Jutra n’ont pas été bien reçus par la critique,
malgré sa réputation de grand cinéaste canadien ».
En témoignent Kamouraska (1973), qui demeurera un grand film malade,
amputé de son souffle, ainsi que Pour le meilleur et pour le pire
(1975), qui recevra un accueil glacial. À propos de ce dernier film,
Pierre Jutras et Michel Sénécal font cependant remarquer qu’à
« présent, la dimension ironique et l’audace de la structure narrative
(un couple, une journée, une vie, une époque) ressortent davantage
».

Des années difficiles suivent Pour le meilleur et pour le pire,
marquées par une sorte d’exil artistique – Jutra doit alors travailler
à Toronto, même s’il avait refusé à maintes reprises
les invitations qui lui avaient été faites auparavant. Puis, c’est
la maladie qui le frappe alors qu’il travaille à ce qui sera son dernier
film, La Dame en couleurs (1984).

Claude Jutra le cinéphile par excellence, Jutra dont tous les amis vantent
l’intelligence vive, perd progressivement la mémoire. Un destin tragique
qui vient interrompre une œuvre qu’on aurait souhaité voir s’enrichir
encore.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
23 octobre 1984

Membres du jury :
Richard Gay (président)
Monique Champagne
Pierre Jutras
Danielle Suissa
André Théberge
Crédit photo :
  • Daniel Lessard
Texte :
  • Marcel Jean