Yves Morin, lauréate

Cardiologue

Naissance le 28 novembre 1929 à Québec, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Québec, hiver 1965 : une centaine de personnes se présentent à l’urgence, atteintes d’une maladie cardiaque subite et inconnue. La moitié d’entre elles y succombent. Il faudra toute l’opiniâtreté d’un jeune cardiologue, le docteur Yves Morin, pour que le mystère soit élucidé et que l’épidémie prenne fin. Avec une équipe de pathologistes, le médecin mène l’enquête en un temps record, élabore des hypothèses à partir des autopsies et accumule des preuves, sans perdre son sang-froid malgré les menaces de poursuites et la pression médiatique. En quelques semaines, le coupable est démasqué : il s’agit du cobalt, métal que l’on croyait inoffensif, qu’une brasserie de Québec ajoute à sa bière pour la faire mousser. Devant l’évidence, autorités sanitaires et brasseurs finissent par se rendre aux conclusions d’Yves Morin, dont la découverte permettra d’abolir cette pratique partout dans le monde.

À la veille de ses 78 ans, le docteur Morin n’a rien oublié de ces événements tragiques, même si sa carrière l’a ensuite mené dans de tout autres directions. Natif de Québec, il commence ses études de médecine à l’âge de 17 ans à l’Université Laval, où il obtient son doctorat en 1953. Grâce à une bourse de la Fondation Rotary International, il parcourt ensuite le monde pour travailler auprès des grands maîtres de la cardiologie, spécialité qui l’intéresse surtout parce qu’elle progresse à un rythme fou. Ce sera d’abord Toronto, puis Londres et Paris, où il s’imprègne des courants de pensée de l’école britannique de Paul Wood et de l’école française de Jean Lenègre.

Cependant, Yves Morin tient ses promesses : après sept années de ce périple initiatique, il retrouve l’Hôtel-Dieu de Québec, son alma mater , où il devient en 1961 le premier clinicien salarié à temps plein de l’Université Laval. Dégagé de l’obligation de suivre des patients pour assurer son gagne-pain, il se consacre pleinement à la recherche sur les maladies du muscle cardiaque. Lorsque survient l’épidémie de 1965, il vient tout juste d’installer à l’Hôtel-Dieu l’un des premiers laboratoires d’hémodynamie au Québec. La découverte de la toxicité cardiaque du cobalt lui vaut aussitôt une reconnaissance internationale. Appelé en renfort au Nebraska, il permet d’éviter de justesse une catastrophe analogue à celle qui avait frappé Québec. En Belgique, il confirme également que des décès restés inexpliqués étaient liés au cobalt.

Au cours des années suivantes, Yves Morin, qui dirige le tout nouvel Institut de cardiologie de Québec, se penche sur une maladie cardiaque due à des carences alimentaires qui fait alors des ravages en Afrique. Ses travaux contribueront à l’éradication de ce fléau. Grâce au microscope électronique, que son équipe et lui sont parmi les premiers spécialistes à utiliser pour étudier le muscle cardiaque, il réalise d’importantes découvertes qu’il relate dans plus de 200 publications scientifiques. De 1980 à 1996, il est chef du Service de cardiologie de l’Hôtel-Dieu, puis il occupe le même poste pour l’ensemble du Centre hospitalier universitaire de Québec jusqu’en 1998.

Toutefois, le médecin a aspiré à relever d’autres défis tout au long de sa carrière. Ainsi, il s’engagera dans l’administration de la recherche, d’abord au sein de sa faculté, puis à la grandeur du Québec et du Canada. À l’époque où les jeunes chercheurs en début de carrière connaissaient d’importantes difficultés à s’équiper et à s’intégrer dans un laboratoire au Québec, Yves Morin a voulu instaurer un système pour permettre aussi aux jeunes de démarrer. Avec Jacques Genest, il contribuera à l’essor du Conseil de recherches médicales du Québec, ancêtre de l’actuel Fonds de recherche en santé du Québec, dont il deviendra président en 1968. Puis, en 1975, Yves Morin est nommé doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval et président de la Commission de la recherche universitaire. Il plaide pour une refonte de l’organisation et du financement de la recherche médicale par l’augmentation du nombre de centres de recherche hospitaliers.

Durant les années 90, Yves Morin joue un rôle de premier plan dans la création des Instituts de recherche en santé du Canada. Il collabore étroitement avec le docteur Henry Friesen, son ami et collègue, pour bâtir une organisation d’un nouveau genre, qui réunira des chercheurs de tout le Canada au sein d’instituts thématiques « virtuels ». Persuadé que seul le mariage des disciplines permettra d’accélérer les recherches, le cardiologue insiste pour rapprocher les sciences humaines et sociales, domaine dans lequel le Québec excelle, des sciences fondamentales et cliniques qui prédominaient jusqu’alors dans la recherche médicale. La démarche choque et se heurte à une grande résistance de certains milieux. Toutefois, Yves Morin et Henry Friesen finissent par convaincre même les plus récalcitrants de la justesse de leur vision, qui permettra un essor sans précédent de la recherche médicale subventionnée par le gouvernement fédéral.

À 71 ans, le cardiologue entre au Sénat. Pendant quatre ans, il travaille à l’organisation de la recherche en santé, en participant aux travaux de la commission Kirby et en partie à ceux de la commission Romanow. De 2001 à 2004, Yves Morin est aussi conseiller spécial pour la recherche du ministre fédéral de la Santé, Allan Rock. Le médecin dénonce le retard pris par le Canada pour la commercialisation des découvertes, qu’il voit comme un bris de contrat entre les chercheurs et la population. Depuis 2005, Yves Morin préside la Fondation de recherche sur la santé Rx&D , la plus importante source de financement privé au Canada, et copréside le Partenariat des industries canadiennes de la santé.

Au cours de sa carrière, le docteur Morin a mérité plusieurs distinctions. Il a notamment été nommé officier de l’Ordre du Canada en 1991, officier de l’Ordre national du Québec en 1995 et chevalier de l’Ordre national du mérite, en France, en 1997. Travailleur infatigable malgré le poids des ans, Yves Morin commence tout juste à ralentir. Père de quatre enfants et sept fois grand-père, il passe désormais la majeure partie de son temps aux Éboulements avec son épouse Marie, où il prend, enfin, le temps de jouir de la beauté du paysage. Cependant, il n’a pas pris sa retraite pour autant. Aussi passionné qu’à ses débuts, Yves Morin vient de se lancer dans une nouvelle aventure. À la veille des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, il a entrepris de retracer l’histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, seul hôpital au monde à avoir été dirigé pendant 350 années consécutives par des religieuses, qui ont marqué considérablement la philosophie des soins. Les yeux brillants, Yves Morin évoque leur travail et leur vision, qu’il relatera en septembre 2008 lors d’une série de conférences.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
6 novembre 2007

Membres du jury :
Madame Claude Benoît, présidente
Suzanne M. Benoît
Diane Gaudet
Michel Jébrak
André Musy

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec
Réalisation : Alain Drolet
Caméra et direction photo : Ronald Landry
Caméra : Guylaine Pariseau
Prise de son : Carl Longchamps
Montage : Andréane Cyr, Digipoint
Montage sonore : Stéphane Carmichael, Studio Expression
Programmation DVD : Jean Michaud, Digipoint
Compression numérique : Hugo Comtois, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard,
Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May,
Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Richard Joubert
Texte :
  • Valérie Borde