Suzanne Jacob, lauréate

Naissance le 26 février 1943 à Amos, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Le prix Athanase-David souligne, cette année, une écriture d’une sensibilité subversive et le talent d’une écrivaine qui place la liberté, celle que l’on gagne à l’arraché, au cœur de sa création. Depuis trente ans, Suzanne Jacob bâtit une œuvre puissante, originale et multiforme. Rares sont les auteurs qui réussissent, avec autant de bonheur, à traduire la force de leur questionnement à travers, à la fois, le roman, la nouvelle, la poésie et l’essai. Peu nombreux aussi, ceux qui se voient décerner le Prix du Gouverneur général dans des genres littéraires différents : Laura Laur en 1984, devenu le roman culte de toute une génération et, plus tard en 1998, La part de feu, un recueil de poésie, également primé par la société Radio-Canada.

Suzanne Jacob est une enfant de l’Abitibi. Elle habite un monde où la présence de la littérature est constante : grands-parents, parents, sœurs aînées, camarades de classe… Tous sont de grands lecteurs. Jacob écrira d’ailleurs de fort belles pages sur la contribution des lectrices et des lecteurs à un livre qu’ils aiment, à cette part d’eux-mêmes qu’ils glissent entre les mots des autres.

À 14 ans, elle part faire ses études classiques à Nicolet où elle sera pensionnaire pendant sept ans. Elle s’initie au théâtre et à la musique, apprenant le violon et, plus tard, le piano. Cette entrée dans le monde des arts la marque à jamais : « Ma mère était pianiste et je l’ai beaucoup écoutée interpréter Schumann. Je crois que ça m’a permis d’acquérir une première langue étrangère si j’ose dire, une autre façon de nommer les choses. » À 21 ans, elle s’inscrit à l’Université de Montréal en lettres et en histoire de l’art et fait aussi un certificat en enseignement du français, un métier qu’elle pratiquera peu, cependant, car durant les années 1970 et 1980, c’est l’auteure-compositrice-interprète qui se démarque.

Quand, quelques années plus tard, Suzanne Jacob s’imposera rapidement et presque simultanément dans trois champs littéraires le roman, la nouvelle et la poésie , elle n’en sera donc pas tout à fait à ses premières armes. Elle aura déjà travaillé les mots et sa voix, hors des sentiers battus, à travers l’écriture de dizaines de chansons et de monologues. Des textes livrés sur les scènes de boîtes à chansons, de cégeps et de festivals, aux quatre coins du Québec. Et aussi en Europe. Son travail d’écrivaine avait trouvé sa voie.

Son entrée en littérature est aussi remarquable que remarquée. En 1978, avec Flore Cocon, son premier roman, les lecteurs découvrent une écriture résolument moderneet sont ébranlés par un de ces personnages féminins, révoltés et affranchis, dontSuzanne Jacob a le secret. La critique, impressionnée, souligne l’originalité du ton,loin du pathos, et l’intensité romanesque, traversée par un humour grinçant etdélicieux. Toujours en 1978, Suzanne Jacob propose La survie, premier d’une sériede trois livres de nouvelles. Deux ans plus tard, elle publie Poèmes 1 – Gémellaires, le chemin de Damas, au Biocreux, une maison d’édition qu’elle a cofondée. Troisautres recueils de poésie enrichiront une œuvre littéraire profonde qui a su gagner un lectorat fidèle et fervent.

« L’art, écrit-elle dans son essai La bulle d’encre (1997), accomplit sa fonction en proposant des versions, des fictions diversifiées du monde, d’autres organisations, […] d’autres intuitions, plus ou moins conformes aux fictions dominantes. » À travers toute son œuvre, une vingtaine de titres, Suzanne Jacob cherche à transmettre sa passion première : déchiffrer le monde dans lequel nous vivons. Lucide et déterminée, elle pose une question qui la hante : comment faire pour devenir une humanité consciente, mieux protégée d’un « croire collectif », plus responsable en ce qui a trait à la liberté individuelle? Dans son plus récent essai paru en 2008, Histoires de s’entendre, l’écrivaine nous invite à reconnaître les fictions, les histoires et les croyances qui soudent notre vie en société, à prendre la mesure du danger tapi derrière les ordres et les mises en scène totalitaires qui gouvernent le monde. Des pratiques qui pavent la voie à la barbarie, y compris à l’intérieur des familles. Son cinquième roman, L’obéissance, paru en 1991, inscrivait déjà magistralement cette réflexion dans un milieu familial. Pour l’écrivaine Nicole Brossard, cette histoire d’une adolescente prête à tout pour être aimée de sa mère occupe une place aussi importante dans notre histoire littéraire que Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais ou Les fous de Bassan d’Anne Hébert.

De fait, comme l’œuvre de ses aînées, les romans, les poèmes et les essais de Suzanne Jacob se retrouvent souvent au programme des études littéraires, ici et ailleurs. Ses livres ont ainsi permis à des milliers d’étudiants québécois de prendre conscience de la nécessité de la littérature. Plusieurs sont traduits en anglais, dont son récent Fugueuses publié en 2005, qui est paru à Toronto en 2008, dans une traduction de Sheila Fishman. D’autres récits, nouvelles ou poèmes ont été traduits en espagnol, en italien, en allemand et en roumain. Ils parcourent le monde, à leur tour. La voix singulière de Suzanne Jacob s’inscrit parmi les plus fortes de la littérature québécoise. Comme le souligne le critique et écrivain Gilles Marcotte : « Il y a un charme, au sens fort, de l’écriture de Suzanne Jacob, qui est, osons le dire, un charme intelligemment pervers, comme il convient en littérature. » L’apport de Suzanne Jacob à la vie littéraire est constant et sa présence dans le milieu et auprès des lecteurs est soutenue : jurys, conférences, causeries, entretiens, festivals, lectures publiques, salons du livre, tournées…

L’annonce du prix Athanase-David est arrivée chez Suzanne Jacob quelques semaines après que la trajectoire de son père s’est arrêtée. Elle constate : « J’ai interprété l’arrivée du prix comme un signal : remets-toi sur ta route! Replonge dans ton travail. » Un roman? « Par exemple », sourit-elle.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
19 novembre 2008

Membres du jury :
Hugues Corriveau (président)
Dany Laferrière
Rachel Leclerc
Lise Tremblay

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec (MESS)
Réalisation : Alain Drolet
Coordinatrice de production : Pascale Rousseau
Caméra et direction photo : Ronald Landry
Caméra : Alain Drolet
Prise de son : Marcel Fraser
Montage : Luc Saint-Laurent, MESS
Montage sonore : Olivier Auriol, Studio Expression
Programmation DVD : Luc Saint-Laurent, MESS
Compression numérique : Francis Laplante, IXmédia
Musique originale : Alexis Le May
Musiciens : Katia Durette, Yana Ouellet, Stéphane Fontaine, Annie Morier, Caroline Béchard,
Suzanne Villeneuve, Benoît Cormier, Jean Robitaille, André Villeneuve, Daniel Tardif, Alexis Le May,
Éric Pfalzgraf
Narratrice : Sophie Magnan
Entrevue : Suzanne Laberge
Lieu du tournage : Bibliothèque d'Outremont
Œuvre : Le chant du silence (2001) de Joan Esar
Texte :
  • Ariane Émond