William (Bill) Vazan, lauréate

Arts visuels

Naissance le 18 novembre 1933 à Toronto, décès le à 

Entrevue

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Biographie

William (Bill) Vazan est un pilier de l’art visuel au Québec. Figure marquante de l’art conceptuel, du land art et du montage photographique, son œuvre multiforme, qui s’échelonne sur plus de 40 ans, procède d’autant de disciplines que la sculpture, le dessin, la peinture, la performance et la photographie. Passant de l’œuvre monumentale aux dessins topographiques, sa démarche rigoureuse et originale s’avère remarquable de cohérence. Dans tous les cas, l’observation du monde environnant, l’inscription des traces laissées par l’occupation humaine et les possibilités infinies de nos points de vue portés sur le monde, sont au cœur de la démarche de l’artiste.

Né à Toronto, Bill Vazan vit et travaille à Montréal depuis 1957. Dès les années 1960, il se démarque par des projets conceptuels d’envergure tels que Canada in Parentheses (1968-1969), ou encore Canada Line (1969-1970) et World Line (1969-1971) dans lesquels des galeries et musées furent invités à apposer au sol un ruban noir de manière à relier virtuellement et simultanément huit villes canadiennes (Canada Line), puis 25 villes partout autour du monde (World Line). Cette ambitieuse entreprise de réseautage à l’échelle planétaire allait devenir chez l’artiste un des fondements structurels de sa vision d’un monde aux ramifications multiples mais interdépendantes. Rappelons par ailleurs que Bill Vazan, stimulé par l’idée d’inscrire Montréal et le Québec dans un réseau international, participe avec treize artistes à la fondation en 1972 de Vehicule Art (Montréal) Inc., important centre de diffusion parallèle où seront présentées des pratiques actuelles et expérimentales.

La seconde moitié des années 1970 marque les débuts de ses œuvres monumentales dont des projets de pierres alignées. Parmi elles, Stone Maze, installation éphémère présentée au parc Lafontaine en 1976 dans le cadre de Corridart. Comme plusieurs autres, l’œuvre fut détruite dans la nuit du 17 juillet, à la veille de l’ouverture des Jeux olympiques sur l’ordre du maire Jean Drapeau. En 1979, il réalise Pression/Présence sur les plaines d’Abraham, un immense dessin de 400 mètres de diamètre tracé sur le gazon, évoquant à la fois l’idée des mouvements géologiques de la vallée du Saint-Laurent et des tensions culturelles provoquées par les passages humains. Dès lors se succéderont une multitude d’interventions permanentes et éphémères dans la nature, les parcs et dans les espaces publics. Ses interventions directes sur les sites répondent non seulement à sa sensibilité envers l’environnement mais aussi à son intérêt profond pour la mémoire des lieux. D’où sa fascination pour les cultures anciennes et son respect des valeurs fondamentales des grandes civilisations tout comme celles des cultures amérindiennes. À cet effet, à partir de 1978, il multipliera les voyages dans de nombreux pays et déploiera ses œuvres de land art en Chine, en Égypte, en France, en Israël, au Japon, au Pérou, en Russie, entre autres destinations. 

L’œuvre photographique de Bill Vazan est non moins déterminante. En tant que document, elle assure la pérennité des œuvres du land art mais aussi des performances qu’il réalise dans l’espace public. Depuis la fin des années 1960, il entreprend ainsi de multiples itinéraires à pied, en voiture, en autobus ou en métro, tant à Montréal qu’à Toronto, dans l’intention de capter chaque fois jusqu’à une centaine de prises de vue, accompagnées de cartes et de notations. La saisie de toutes les intersections traversées, de chaque panneau signalétique ou chaque arrêt d’autobus, retrace avec minutie et en séquence le long parcours accompli. 

Cette manière de faire prend en compte les caractéristiques spatiales et temporelles expérimentées et enregistrées lors du parcours, mais examine plus précisément les déplacements de l’individu en rapport avec la position qu’il occupe dans son environnement, voire même sur le globe. À l’instar de ses projets de lignes mondiales (comme dans l’ensemble de sa production par ailleurs), le langage conceptuel  de Bill Vazan est ici dominé par la ligne. Qu’elle soit virtuelle, configurée par les déplacements, tracée sur la neige (à la même période il entreprend des actions dans la nature, comme des marches dans la neige ou des dessins géométriques sur le sable) ou créée sur les sites historiques (land art), la ligne rend visibles les liens qui unissent les choses entre elles, que ce soit à une échelle locale ou dans un système de communication mondiale. Signes avant-coureurs de la mondialisation, de la compression du temps et de l’effacement des frontières, les premiers projets conceptuels de Vazan sont ni plus ni moins criants d’actualité. En 2007, VOX, centre de l’image contemporaine, organisa une captivante exposition sur son travail conceptuel des années 1960 et 1970, accompagnée  d’une rigoureuse monographie intitulée Bill Vazan : Walking into the Vanishing Point.

Vazan s’est également fait reconnaître pour ses expérimentations formelles avec le médium photo. Les lieux et  monuments captés par l’artiste en Égypte, en Asie et autres sites naturels d’exception au Canada ou au Québec, sont ainsi découpés en multiples points de vue et en simultanée, créant d’immenses et inusitées mosaïques photographiques, sortes de constellations visuelles sans point central fixe. Poursuivant ses explorations sur l’observation et la schématisation du monde environnant, Bill Vazan, en chercheur infatigable, se dote ici d’une approche à la fois anthropologique et scientifique mettant à profit sa vision analytique du monde. Dans ce vaste corpus de photographies faites de plans saccadés, qui extrapolent avec grande acuité les limites de notre champ visuel, il sonde les théories de la physique basées sur un univers à plusieurs dimensions, cherchant inlassablement à comprendre les principes unificateurs que cet univers dissimule. 

Bill Vazan a introduit une manière différente de faire et de réfléchir l’art. Que ce soit avec le land art, les nombreux marquages sur la pierre ou sur les routes, les dessins sur papier, sur le sable ou sur la neige, son œuvre trace un voyage dans le temps, évoque les grands symboles et les mouvements de l’homme à travers l’évolution de la vie. En s’efforçant de construire des modèles de compréhension du monde, ne poursuit-il pas la lignée des cultures primitives qui tâchaient d’être en harmonie avec les mystères de l’univers? Là réside la force exemplaire du travail de cet artiste singulier. Un travail motivé par une conscience environnementale, sociale et culturelle déjà inscrite dans l’histoire, qu’il configurait de manière visionnaire dès les débuts de sa carrière et désormais garante du futur.

Ses œuvres ont été largement exposées en Amérique du Nord et à l’étranger (plusieurs dès 1973) et sa pratique a fait l’objet de nombreuses analyses critiques dans les revues spécialisées et les catalogues d’exposition. En 1980, le Musée d’art contemporain de Montréal organisait une grande exposition rétrospective intitulée Bill Vazan : Suites photographiques et œuvres sur le terrain, laquelle circula pendant un an dans trois institutions canadiennes. En 2001, le Musée national des beaux-arts du Québec lui consacrait une importante exposition sous le titre Bill Vazan. Ombres cosmologiques, qui a voyagé au Canada pendant plus de quatre années consécutives. Plus récemment, des œuvres de sa période conceptuelle font partie d’une exposition collective majeure consacrée au développement de l’art conceptuel au Canada. D’abord présentée à Toronto, Traffic : Conceptual Art in Canada 1965-1980 circulera à Vancouver, Edmonton, Halifax et à la galerie Leonard and Bina Ellen de l’Université Concordia, à Montréal, tous organisateurs partenaires de l’événement.

Bill Vazan se dit absolument charmé par la réception du prix Paul-Émile-Borduas. Une reconnaissance qui le touche d’autant plus, avouant la singularité de sa démarche  quelque peu en marge des voies officielles de l’art actuel. Depuis 1981, l’artiste enseigne à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal où il transmet aux jeunes sa passion pour les arts dans sa relation à l’environnement et aux sciences.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
9 novembre 2010

Membres du jury :
Pascale Beaudet (présidente)
Odette Drapeau
Bruno Santerre
Pierre Thibault

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Nathalie Genest
Caméra et direction photo : Jacques Desharnais
Prise de son : Serge Bouvier et Jean-François Paradis
Maquillage : Anne Poulin
Montage : Sylvain Caron
Mixage sonore : Luc Gauthier, Studio SonG
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevue : Pascale Navarro
Lieu du tournage : Télé-Québec
Texte :
  • Mona Hakim