André Melançon, lauréate

Naissance le 18 février 1942 à Rouyn-Noranda, décès le 23 août 2016 à 

Entrevue

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Biographie

Réalisateur, acteur, scénariste. Ainsi est défini André Melançon dans Le dictionnaire du cinéma québécois de Michel Coulombe et Marcel Jean. Mais il est bien plus que cela. Non seulement il a été – et il est toujours – réalisateur pour le petit et le grand écran, mais il a fait de la mise en scène pour le théâtre, a été entraîneur pour la Ligue nationale d’improvisation (LNI), en plus de s’être impliqué dans le milieu culturel et social. Résumer sa vie est presque impossible tant les talents se sont multipliés et diversifiés chez cet homme né à Rouyn-Noranda.

« C’était une ville qui dans les années cinquante, avait sept salles de cinéma pour une population de 36 000 habitants. Je n’ai donc pas été, nous dit-il, un enfant de la télévision. » Le jeune André assiste à beaucoup de films tant à l’école primaire que dans ces salles. Il a un véritable coup de foudre pour cet art quand, à l’âge de 14 ans, il voit La Strada de Federico Fellini. « Ce film a été mon chemin de Damas, précise-t-il. J’ai compris que le cinéma ne racontait pas seulement des histoires, mais qu’il y avait une façon de les raconter. J’ai découvert ainsi le langage cinématographique. »

C’est douze ans plus tard, ayant déjà derrière lui quelques années d’intervention sociale et quelques films amateurs en 8 mm, qu’il tourne sa première œuvre, Le camp de Boscovillle (1967). Son travail a toujours été marqué par un engagement social qui a débuté avant qu’il ne termine ses études classiques, quand il a rejoint les « Disciples d’Emmaüs ». Après une année au Pérou, qui sera le premier de nombreux pays qu’aura visités ce grand voyageur, il devient « professionnel à la rééducation des jeunes délinquants ». Pour ces adolescents en difficulté, il mettra sur pied des ateliers de cinéma et de théâtre.

En 1969, André Melançon se voit offrir le poste d’animateur des tournées de diffusion de films québécois en région par Robert Daudelin, directeur du Conseil québécois pour la diffusion du cinéma. « On ne pouvait pas rêver de meilleur emploi, comme passer une semaine au Lac-Saint-Jean avec Arthur Lamothe ou en Abitibi avec Pierre Perrault. Je rencontrais des gens de cinéma et cela m’a permis de déposer un projet à l’Office national du film (ONF), Des armes et les hommes (1973), qui mêlait le documentaire et la fiction. » Jacques Bobet, producteur à l’ONF, le remarque. Sachant qu’il a été psychoéducateur, il lui propose de tourner des courts métrages de 20 minutes destinés aux enfants pour une série appelée « Tout le monde parle français ». Après ces productions (Les tacots, « Les oreilles » mène l’enquête et Le violon de Gaston) résolument axées sur le monde urbain, il signe Les vrais perdants, qui feront couler beaucoup d’encre et dont on parle encore aujourd’hui tant le sujet sur des parents qui veulent voir leurs enfants réussir absolument dans le sport ou une discipline artistique demeure actuel.

Il continue de travailler avec les enfants qu’il met en scène, pour Les Productions Prisma, dans Comme les six doigts de la main (1978), son premier long métrage de fiction qui sera divisé, toutefois, en trois épisodes pour la télévision. Cette comédie captivante sur les épreuves qu’une bande de trois garçons et deux filles font passer à un jeune garçon qui veut se joindre à eux remporte le Prix du meilleur long métrage québécois de l’Association québécoise des critiques de cinéma.

On ne sera pas surpris que six ans plus tard – après quelques courts métrages documentaires – André Melançon s’aventure de nouveau dans le cinéma pour enfants avec La guerre des tuques (1984), une commande de Rock Demers qui démarre ainsi sa série « Contes pour tous ». Scénarisée par Roger Cantin et Danyèle Patenaude, cette production qui évoque la relation d’amitié, de rivalité et de solidarité entre deux bandes d’enfants qui se bataillent pour un grand château de neige et de glace est distribuée dans 125 pays. Frais et vibrant d’authenticité, ce long métrage couvert de prix sera suivi en 1986 par Bach et Bottine, appartenant à la même série. Cela paraît incroyable, mais le film sera exploité dans 3000 salles en ex-URSS; il récoltera lui aussi plusieurs prix. Et le cinéaste continuera d’amasser les honneurs avec Fierro… L’été des secrets (1989), tourné en Argentine pour la même série de contes, et Daniel et les superdogs (2004).

Au cours de ces mêmes années, André Melançon signe 16 autres productions, en particulier pour la télévision, dont Cher Olivier, Albertine, en cinq temps, Asbestos, la suite de Ces enfants venus d’ailleurs et Printemps fragiles, qui, cela va sans dire, seront couronnées de plusieurs prix. C’est durant ces années qu’il lui arrive, comme il dit, un accident : il devient comédien, et ce, grâce à Clément Perron qui cherchait un acteur pour interpréter un homme au physique de géant et légèrement débile pour Taureau (1973). N’ayant aucune expérience de comédien, il passe quand même un bout d’essai à la demande des producteurs et obtient ce rôle, qui sera suivi par 13 autres, notamment dans Partis pour la gloire (1975) toujours de Clément Perron, Onzième spéciale (1988), un téléfilm de Micheline Lanctôt, Les matins infidèles (1989) de Jean Beaudry et François Bouvier, Le côté obscur du cœur (1992), co-produit par Roger Frappier et tourné en espagnol par l’Argentin Eliseo Subiela, et Joyeux calvaire (1996) de Denys Arcand.

Ce métier d’acteur appris sur le tas sera complété par sa participation pendant dix ans à la Ligue nationale d’improvisation, qui sera pour lui une école importante pour comprendre le jeu d’acteur et l’élaboration d’un récit. C’est après une joute à la LNI, autour d’une bière avec Denis Bouchard et Marcel Lebœuf, que naît l’envie d’écrire un scénario dramatique à trois. Le tournage de Rafales a été, selon le cinéaste, à la fois très beau et très difficile. « L’histoire, précise-t-il, se déroulait la veille de Noël pendant une tempête de neige et, comme par hasard, durant le tournage de la mi-janvier à la fin de février il n’y a pas eu de tempête de neige ! Il a fallu durant 17 jours créer les conditions d’une tempête de neige. Et l’équipe était merveilleuse grâce à la complicité de tous ses membres. »

André Melançon signe ensuite Nénette (1991), avec comme coscénariste Andrée Pelletier qu’il avait dirigée dans Bach et Bottine, et coréalise avec Geneviève Lefebvre Le ciel sur la tête (2001). Signalons qu’il a également réalisé en 1995 un téléfilm pour une série française, Le boulard.

André Melançon se compte parmi les privilégiés d’avoir pu travailler continûment durant plus de quarante ans et faire ce qu’il a toujours eu envie de faire. « J’ai eu des propositions magnifiques, comme La guerre des tuques ou Cher Olivier, explique-t-il. Parfois, c’est moi qui proposais, comme cela s’est produit pour le théâtre. Depuis mon enfance, j’ai toujours aimé le théâtre. » Ce qui l’amènera à adapter pour la scène La promesse de l’aube, le roman autobiographique de Romain Gary, présentée en 2006 à L’Espace GO et qui a été considérée comme l’une des meilleures pièces de théâtre de l’année. Il mettra également en scène en 2008 Les justes d’Albert Camus au Théâtre Denise-Pelletier.

Quand on lui demande s’il existe à ses yeux une différence fondamentale entre le cinéma et le théâtre, il nous répond : « Que ce soit pour des films en salles et pour la télévision ou pour des pièces de théâtre, il y a un commun dénominateur qui est de raconter une histoire. Je reviens toujours à mon enfance, à cette fascination quand ma grand-mère me racontait des histoires. »

La simplicité et l’empathie qui se dégagent de notre rencontre avec le cinéaste sont justement les qualités toujours soulignées par les critiques. S’intéressant aux rapports entre les humains, qu’ils soient adultes ou enfants, André Melançon met le doigt avec bienveillance et souvent avec humour sur des sujets graves comme la violence dans les relations interpersonnelles, la compétitivité, l’indignité, la perversité sexuelle, les choix incontournables. Sur fond de discordance et d’opposition, de vivacité et de fantaisie, son univers demeure intense et touchant, car il est enraciné dans un monde que nous pouvons reconnaître et faire nôtre.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
13 novembre 2012

Membres du jury :
Gabriel Arcand (président)
Normand Corbeil
Micheline Lanctôt
Geneviève Lavoie

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Lynda Malo
Caméra et direction photo : Mathieu Harrisson
Caméra : Hugo Ferland-Dionne
Maquillage : Hélène-Manon Poudrette, Sylvie Charland
Montage : Sylvain Caron
Infographie et montage : Mathieu Harrisson
Mixage sonore : Studio Song
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevues : Christian St-Pierre
Texte :
  • André Roy