Louise Nadeau, lauréate

Psychologue

Naissance le 28 janvier 1947 à Verdun, décès le à 

Entrevue

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Biographie

Si elle n’avait pas été comédienne dans une « première vie », Louise Nadeau assure qu’elle ne serait pas devenue la psychologue engagée qu’elle est aujourd’hui. « Cela m’a permis d’apprendre à m’exprimer, à être à l’aise devant un public. Quand tu joues, tu apprends aussi à parler pour convaincre », affirme sans détour cette ex-membre de l’Union des artistes, qui a tenu des rôles dans des pièces de théâtre pour enfants au début des années 1970.

Mais il faut remonter encore plus loin pour saisir ce qui a motivé cette scientifique réputée à consacrer sa carrière à améliorer la vie des gens aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance à l’alcool et aux drogues. Son père, un vétérinaire, « parlait une langue châtiée », mais savait moduler son niveau de langage pour se faire comprendre des agriculteurs peu instruits qu’il visitait. « Il n’a jamais exprimé quelque mépris à leur endroit, ni avec eux ni en parlant d’eux », assure Mme Nadeau. Quant à sa mère, une infirmière, elle l’a très jeune conscientisée aux inégalités sociales : « La conscience sociale de mes parents a été déterminante dans mon cheminement professionnel. Au fond, si j’en suis venue à pratiquer la psychologie, c’est parce que mes parents en faisaient tout le temps. »

C’est donc sans surprise que Louise Nadeau choisit le chemin difficile d’un travail clinique auprès de toxicomanes après avoir terminé un baccalauréat et une maîtrise en psychologie à l’Université de Montréal. En 1972, elle devient intervenante au centre de réadaptation Portage, au nord de Saint-Jérôme : « J’aurais pu entrer dans le service de psychologie d’un hôpital, mais j’ai préféré le monde étranger de cette communauté thérapeutique. Pendant cinq ans, j’ai écouté des histoires de toxicomanes. C’est là que j’ai appris mon métier. »

Un travail à Paris, en 1977, à la clinique pour toxicomanes L’Abbaye, lui ouvre de nouveaux horizons. « C’est à Paris que j’ai mis en mots l’importance de prendre en compte plusieurs facteurs – l’éducation, le milieu social et le bagage génétique – pour bien comprendre l’évolution d’une psychopathologie. C’est là aussi que j’ai compris les effets délétères du sexisme dans la santé mentale des femmes. »

Combattre les préjugés
Celle qui est au conseil d’administration d’Éduc’alcool depuis 1992, et qui le préside depuis 2007, s’efforce depuis plus de 30 ans de combattre les préjugés que subissent les femmes en matière de consommation d’alcool et d’autres substances psychoactives. En 1981, alors que le mouvement féministe a le vent en poupe, elle et deux collègues publient Va te faire soigner, t’es malade!, un essai qui dénonce, dans un style pamphlétaire, les préjugés sexistes dont sont victimes les femmes souffrant de troubles mentaux. Le livre connaît un véritable succès en se vendant à 30 000 exemplaires.

Les femmes et l’alcool
L’année 1982 marque un nouveau tournant dans la carrière de celle qui est alors la responsable du certificat en toxicomanies de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal. Cette année-là, elle obtient des fonds du ministère des Affaires sociales du Québec pour produire un état de la question sur l’alcoolisme chez les femmes en Amérique du Nord.

Lorsque la monographie est publiée aux Presses de l’Université Laval, Louise Nadeau innove encore en devenant l’une des premières au Québec à traiter du syndrome d’alcoolisation fœtale. En 1996, Éduc’alcool fait notamment appel à son expertise pour publier la première édition de la brochure La grossesse et l’alcool. Elle est aujourd’hui présidente de la Fondation canadienne de recherche sur l’alcoolisation fœtale.

La monographie met aussi de l’avant que les chemins qui mènent à l’alcoolisme diffèrent selon le genre. Les facteurs environnementaux qui poussent les femmes à consommer de l’alcool à l’excès sont différents des hommes : « Les hommes boivent ensemble, influencés par leurs pairs, et certains deviennent alcooliques presque par habitude. Pour ce qui est des femmes, dit Mme Nadeau, c’est souvent à la suite d’événements tragiques qu’elles consomment de l’alcool de manière excessive. Et ce sont souvent des femmes très seules, sans soutien social. »

Louise Nadeau entreprend d’aller aux sources concernant cette spécificité des femmes en matière de surconsommation d’alcool. En 1984, inscrite au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal, elle part en Angleterre pour faire un stage au Bedford College de l’Université de Londres.

Dans le cadre de sa thèse, elle rencontre des femmes qui souffrent de dépression et qui ont commencé à boire à l’excès à la suite d’événements graves, mais aussi de diverses violences subies dans l’enfance. « Dans un monde où la grande consommation d’alcool des femmes est réprouvée, celles qui deviennent alcooliques ont des niveaux de détresse et de taux de troubles mentaux concomitants beaucoup plus élevés que les hommes », observe la psychologue. Par contre, son travail clinique auprès d’hommes dans un pénitencier fédéral lui rappelle que la condition de vie des hommes toxicomanes, même s’ils sont différents, a également été déterminante. « J’ai constaté que la criminalité de ces hommes, leur toxicomanie et les autres troubles mentaux dont ils souffraient étaient inséparables d’abord de la pauvreté et ensuite de leur cheminement de vie, de leur éducation et de leur enfance. »

Chercheure principale au groupe Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec (RISQ), Louise Nadeau a acquis une solide réputation en matière de traitement des dépendances et des troubles mentaux qui leur sont souvent associés. La monographie Meilleures pratiques : troubles concomitants de santé mentale et d’alcoolisme et de toxicomanie (2002), écrite en collaboration pour Santé Canada, est considérée comme une référence.

En parallèle, et depuis les débuts de sa vie professionnelle, la professeure est toujours engagée dans la vie publique. Elle a notamment été l’une des actrices importantes dans la création des Instituts de recherche en santé du Canada à titre de membre du conseil d’administration provisoire, puis de vice-présidente du CA. Sa nomination au conseil d’administration de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux confirme ses compétences. C’est donc sans surprise qu’en 2010, le ministre des Finances du Québec s’est tourné vers cette professeure pour présider le Groupe de travail sur le jeu en ligne afin de mieux documenter l’évolution de cette pratique en émergence et d’examiner la réglementation de cette activité dans une société numérique.

Comme professeure, Louise Nadeau a supervisé les travaux de quatre stages postdoctoraux et d’une vingtaine d’étudiants au doctorat et à la maîtrise. Elle a publié neuf livres et quarante-sept chapitres de livres, en plus d’une centaine d’articles scientifiques. Ses subventions de recherche totalisent seize millions de dollars. En 2011, Louise Nadeau a gagné le Prix femmes de mérite, catégorie éducation, de la Fondation Y des femmes de Montréal et, en 2006, le prix Marcel‑Vincent de l’Association francophone pour le savoir (Acfas).

Elle se dit très honorée d’être la toute première lauréate du prix Marie‑Andrée Bertrand. Cette grande criminologue libérale, qui militait pour la décriminalisation des drogues, lui avait fait confiance en 1978 pour créer et diriger le certificat en toxicomanies (prévention et réadaptation) de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal. « C’est une femme qui n’a jamais hésité à mettre sa tête sur le billot pour défendre les causes auxquelles elle croyait. C’est à toute une génération de femmes et d’hommes, dont je suis, à qui elle a donné des leçons de courage », conclut Louise Nadeau.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
13 novembre 2012

Membres du jury :
Claude Montmarquette, président
Diane Berthelette
Juan-Luis Klein
Patricia Hanigan
Ginette Guay DeFoy

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinatrice de production : Lynda Malo
Caméra et direction photo : Mathieu Harrisson
Caméra : Hugo Ferland-Dionne
Maquillage : Hélène-Manon Poudrette, Sylvie Charland
Montage : Sylvain Caron
Infographie et montage : Mathieu Harrisson
Mixage sonore : Studio Song
Musique originale : Christine Boillat
Musiciens : André Bilodeau, Christine Boillat, David Champoux et Daniel Marcoux
Entrevues : Christian St-Pierre
Texte :
  • MDEIE