Madeleine Juneau, lauréate

Naissance le 10 novembre 1945 à Saint-Augustin-de-Desmaures, décès le 26 juin 2020 à Verdun

Entrevue

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Biographie

Madeleine Juneau est femme de vision, de foi et d’engagement, d’abord et indéfectiblement au sein de la Congrégation de Notre-Dame, communauté religieuse où elle est entrée en 1966. C’est d’ailleurs en raison de son action à la Maison Saint-Gabriel, site historique propriété de cette congrégation fondée dans les années 1670 par Marguerite Bourgeoys, que sœur Juneau est considérée comme l’une des figures de proue dans la connaissance du patrimoine montréalais.

« Je suis née dans un monde de gars », se plaît à dire celle dont la première carrière est l’enseignement primaire et secondaire dans les écoles servies par la congrégation. Installée à Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec, la famille Juneau compte trois filles et… sept garçons! « Cela amène très certainement à avoir de l’audace », ajoute cette religieuse qui a déployé tous les ressorts de son génie visionnaire dans la conservation de l’un des joyaux du patrimoine architectural et historique de Montréal.

Audacieuse, déterminée, se définissant comme « une fonceuse, une défonceuse de portes », Madeleine Juneau est aussi animée par le désir profond, presque inné, de s’engager dans une cause. Ce sera donc la Congrégation de Notre-Dame, à une époque où, déjà, les vocations se perdent. Elle enseigne à Montréal puis, de 1972 à 1982, à Hearst, en Ontario. Elle entame sa seconde carrière – celle qui lui vaut la reconnaissance du milieu patrimonial – en 1984 à titre de directrice des services éducatifs de la Maison Saint-Gabriel, poste qu’elle occupe jusqu’à sa nomination à la direction générale du musée en 1997.

Depuis son ouverture au public en 1966, la Maison Saint-Gabriel était surtout un centre d’interprétation autour de l’œuvre des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, un lieu plus ou moins confidentiel que Madeleine Juneau s’emploie à dynamiser. À son nouveau poste, cette pédagogue-née est dans son élément, d’autant qu’elle n’a cessé d’approfondir sa formation en art, en histoire et en muséologie. Elle juge en outre que ses deux « carrières » sont intimement liées. « Par l’entremise de la Maison Saint-Gabriel, je me suis donné comme mission de passer la mémoire. Mais c’est aussi ce que font les enseignants : transmetteurs de savoir, ils sont par définition des passeurs de mémoire. »

Grâce à un plan de développement réalisé en vue du 350e anniversaire de la fondation de Montréal, en 1992, la Maison Saint-Gabriel commence à rayonner dans son quartier ainsi que dans le milieu culturel et patrimonial. Et prend un véritable essor en 1998, année du tricentenaire du monument historique acheté par Marguerite Bourgeoys sur l’emplacement qu’elle a acquis en 1668. « Mon premier objectif pour la Maison était de lui donner une notoriété », dit sa directrice générale, et le tricentenaire en sera l’occasion idéale.

Sœur Juneau s’adjoint d’abord la collaboration de l’historien Jacques Lacoursière pour le contenu relatif à l’événement. « Puis j’ai frappé aux portes de toutes les entreprises qui avaient acheté des terres de la congrégation afin d’établir des partenariats », relate-t-elle. Animée de la foi qui ébranle les montagnes, elle obtient d’un certain Paul Côté, l’un des hauts cadres de VIA Rail Canada, qu’il visite les lieux. Le tricentenaire y gagne son partenaire principal!

L’achalandage du musée stagnait jusqu’alors à quelque 6 000 visiteurs par année. Il bondit à 35 000 en 1998. Et les efforts consacrés cette année-là à la programmation et à la promotion sont soulignés par des prix touristiques montréalais.

Forte de la confiance de sa congrégation, Madeleine Juneau s’attaque à la composition du conseil d’administration afin d’y amener davantage de gens d’affaires et d’acteurs du milieu. S’attache inlassablement à bonifier l’offre avec le jardin de la Métairie recréé en 2001 dans l’esprit de la
Nouvelle-France et une multiplication d’activités, telle la Semaine des quêteux. Lance la Fondation des Amis du musée et une soirée-bénéfice annuelle… Et tandis que la Maison devient une attraction muséale de plus en plus goûtée, qu’elle accumule prix et reconnaissances, dont le classement par le gouvernement du Québec (1965) et la désignation de lieu historique national par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada (en 2007) et à cinq reprises le Grand Prix du tourisme québécois (région de Montréal), sa directrice chapeaute, en 2009-2010, un chantier majeur de remise en valeur.

Ce chantier, c’est l’agrandissement du musée, financé en bonne partie par les fonds publics (gouvernements provincial et fédéral et Ville de Montréal), au coût de 9 500 000 $. Il consiste en un réaménagement du lieu et en la transformation de la résidence Jeanne-Le Ber, construite en 1964 pour loger des religieuses, en pavillon d’accueil des visiteurs. Le nouveau pavillon Catherine-Crolo, du nom de la première intendante de la métairie, est inauguré le 1er
novembre 2010. Il comprend une boutique, elle-même dotée d’une tisanerie, où sont vendus des objets reliés à l’histoire et à la ruralité, une aire d’animation, un vaste réfectoire offrant « pain et potage » (les mots sont de Marguerite Bourgeoys) et des salles de conférences.

De l’ancienne ferme de Marguerite Bourgeoys, Madeleine Juneau a fait un lieu unique de recréation de la vie rurale en Nouvelle-France. Sont mises en évidence les Filles du Roy, « ces femmes qui ont traversé l’océan pour bâtir un pays », dit-elle non sans une admiration rétrospective, les métayères et les religieuses comme autant de personnages clés du temps des colonies. Est aussi interprété le paysage culturel : l’habitation, les traditions culinaires, les objets du quotidien, les us et coutumes en général. Privilégiant un tel axe thématique, Madeleine Juneau a joué un rôle de premier plan dans la redécouverte de la riche imprégnation du Régime français à Montréal.

L’approche originale de Madeleine Juneau se vérifie très concrètement, encore, par des initiatives que l’on pourrait appeler d’éducation populaire, telles la création d’un parcours d’épices historiques, la reconstitution d’un jardin d’apothicaire du XVIIe siècle, l’organisation de ventes aux enchères sur les lieux, la récitation de contes, la présentation de conférences dans une taverne… « La Maison Saint-Gabriel est devenue une destination », dit non sans fierté sa directrice, et attire aujourd’hui plus de 75 000 visiteurs par année, dont une bonne proportion d’Américains.

Totalement ancrée dans Pointe-Saint-Charles, la Maison en est aussi le fleuron, et le Regroupement économique et social du Sud-Ouest (RESO) a reconnu l’exceptionnelle contribution de Madeleine Juneau à la revitalisation du quartier en lui décernant le prix Bâtisseur du Sud-Ouest en 2009. C’est sans compter ces autres reconnaissances venant du milieu des affaires, dont le prix Femme d’affaires du Québec en 2006. En 2012, décidément une année faste côté honneurs, sœur Juneau recevait le prix Thomas-Baillargé de l’Ordre des architectes du Québec et la Médaille du jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II après s’être vu décerner, l’année précédente, la Médaille de l’Assemblée nationale du Québec.

En 2013, Madeleine Juneau et la Maison Saint-Gabriel se sont fortement engagées dans le tricentenaire de l’arrivée des Filles du Roy en
Nouvelle-France. « On a obtenu qu’elles soient nommées “Bâtisseuses de la cité 2013” », dit-elle non sans une pointe de fierté. Il y a là une forme de dialogue entre le passé et le présent, d’actualisation qui reflète tout à fait l’action pionnière de Madeleine Juneau depuis trente-cinq ans.

Information complémentaire

Date de remise du prix :
12 novembre 2013

Membres du jury :
Élise Dubuc, présidente
Josée Grandmont
Jean Provencher
Nicole O'Bomsawin

Crédit photo :
  • Rémy Boily
Crédit vidéo :
Production : Sylvain Caron Productions Inc.
Réalisation : Sylvain Caron
Coordinateur de production : Frédéric Blais-Bélanger
Caméra et direction photo : Frédéric Blais-Bélanger
Prise de son : Serge Bouvier, Jean-François Paradis
Maquillage : Camille Rouleau
Montage : Frédéric Blais-Bélanger, Sylvain Caron, Ian Morin
Mixage sonore : Studio SonG
Musique originale : Luc Gauthier
Entrevues : Suzanne Laberge
Texte :
  • Francine Bordeleau