Patrick Paultre, lauréate

Naissance le 12 avril 1952 à Port-au-Prince (Haïti), décès le à 

Biographie

Scientifique novateur, administrateur de talent et ingénieur chevronné, Patrick Paultre a contribué de multiples façons au développement du génie parasismique et à l’étude de la dynamique des structures. Son engagement profond envers la société, qui a pu bénéficier de ses compétences, et son rôle de chef de file dans la fondation de centres de recherche très performants ont généré des retombées socioéconomiques d’une grande importance pour le Québec.

Une carrière scientifique éveillée par ses racines

Le remarquable parcours de Patrick Paultre se dessine dès son enfance, alors qu’il passe ses vacances dans une petite ville côtière près de Port au Prince, dans la maison de ses grands-parents, où habitent ses tantes. Ces dernières lui parlent souvent des lourdes conséquences des tremblements de terre et des raz-de-marée qui ont frappé le pays. Ces récits captent son intérêt et suscitent sa curiosité envers les effets désastreux qu’ont ces phénomènes naturels sur les structures.

Il s’installe au Québec à l’âge de 22 ans et s’inscrit à l’École polytechnique de Montréal, où il obtient un baccalauréat en génie civil en 1977 et une maîtrise en sciences appliquées en 1981. Six ans plus tard, il reçoit un doctorat de l’Université McGill. De 1978 à 1987, il occupe des fonctions d’ingénieur en structures à Toronto, à Philadelphie et à Montréal. Il accepte par la suite un poste, qu’il occupe toujours, de professeur titulaire au Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke; il y est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génie parasismique depuis 2002.

Un bâtisseur d’instituts de recherche reconnus internationalement

Il fonde à ce moment le Centre d’infrastructures sismiques majeures interuniversitaire du Québec, qui deviendra en 2006 le Centre d’études interuniversitaire des structures sous charges extrêmes (CEISCE). Ce centre regroupe les trois plus grands laboratoires de structures au Canada (soit ceux de l’Université de Sherbrooke, de l’École polytechnique de Montréal et de l’Université McGill) et réunit presque tous les professeurs et chercheurs en structures de six universités québécoises. Sous la direction du scientifique, le CEISCE devient un véritable réseau, au sein duquel la concertation et la coopération permettent l’éclosion d’une force en recherche incontournable pour le Québec. En effet, ces entités travaillaient autrefois en vase clos et en mode concurrentiel, mais le chercheur a su les réunir de manière brillante. Le Centre est assurément une de ses grandes réalisations et ce pour quoi il reçoit le prix Armand-Frappier 2015.

Les travaux du Centre répondent à plusieurs problèmes, dont celui lié aux séismes, car le Québec est situé dans une zone sismique modérée qui a déjà subi des épisodes dévastateurs. Comparable aux plus grands laboratoires du monde avec ses équipements ultrasophistiqués, il est le siège de travaux relatifs à la dynamique des structures, au génie parasismique et à des thèmes liés aux effets du vent, du verglas et du froid sur les structures.

Le CEISCE entretient des relations étroites avec le ministère des Transports et celui de la Sécurité publique, Hydro-Québec et les firmes de génie-conseil. Construire et remettre en état les infrastructures vitales, telles que les hôpitaux, les casernes de pompiers, les écoles, les barrages, les lignes de transport d’électricité et les ponts du réseau routier québécois, de manière à protéger la vie humaine demeure la préoccupation première de Patrick Paultre.

Il n’est donc pas surprenant que la notoriété du CEISCE et du professeur Paultre attire des stagiaires et des chercheurs de haut calibre de partout dans le monde. Le Centre entretient d’ailleurs des liens de recherche avec des centres réputés à l’international, et ses membres font partie de comités nationaux ou internationaux, au sein desquels ils occupent des postes importants en matière d’investigation de dommages ou d’élaboration de normes.

Le chercheur tire également une grande fierté d’avoir mis sur pied, il y a plus de 25 ans, les deux premiers laboratoires de structures à l’Université de Sherbrooke. Ces établissements, dotés d’un parc d’équipements parmi les plus polyvalents du Canada, jouissent maintenant d’une renommée mondiale.

De la sécurité des bâtiments à celle des barrages

Les travaux de Patrick Paultre, qui relèvent d’une recherche fondamentale, génèrent de nombreuses retombées ultra pratiques en ingénierie de pointe. Ils ont notamment contribué au développement des règles de dimensionnement parasismique des structures à ductilité modérée, c’est-à-dire les paramètres qui font qu’une structure peut se tordre ou s’étirer sans se rompre. Ces règles sont actuellement en vigueur dans le Code national du bâtiment du Canada et dans la norme Calcul des ouvrages en béton de l’Association canadienne de normalisation, lesquels régulent la construction de tous les bâtiments au pays. Les travaux du professeur ont également influencé plusieurs codes de construction internationaux.

Le scientifique a aussi dirigé un des programmes expérimentaux les plus ambitieux et complets du monde, pour caractériser le comportement dynamique des structures de béton à hautes performances (BHP).

Avec son équipe, il mène des campagnes d’essais de grande envergure, uniques au monde, sur le comportement dynamique des barrages au Québec et en Europe. Ces essais ont permis de mieux comprendre les interactions complexes entre le barrage, le rocher de fondation, l’eau retenue et le couvert de glace en hiver. Les chercheurs ont aussi mis au point un modèle numérique permettant d’analyser les interactions entre le réservoir, la fondation et le couvert de glace, lequel reste le seul modèle disponible à ce jour. Connaissant l’importance majeure de l’hydroélectricité et de la construction de grands barrages au Québec, on peut aisément mesurer les répercussions économiques de ces travaux.

Une passion pour l’enseignement et le partage des connaissances

Le professeur Paultre s’est toujours investi avec passion et intensité dans l’enseignement et la transmission du savoir. Il a contribué à la formation d’ingénieurs civils, lesquels reconnaissent en lui un mentor exigeant qui a su leur insuffler le goût du dépassement, la motivation et la persévérance.

Il a aussi contribué de façon importante au développement d’applications informatisées et a reçu, à cet effet, le prix E. Whitman Wright de la Société canadienne de génie civil.

Patrick Paultre, qui fait partie d’associations et de comités techniques internationaux, a été invité maintes fois à donner des cours et des conférences à l’étranger. Il est également l’auteur de deux livres, Structures en béton armé et Dynamique des structures, qui sont devenus des références incontournables pour les ingénieurs en structures au Québec et dans le milieu francophone. Ce dernier, qui a été traduit en anglais, est notamment utilisé pour l’enseignement dans les universités, non seulement au Québec, mais aussi ailleurs dans le monde.

En 2006, l’Association francophone pour le savoir lui décernait le prix Adrien Pouliot afin de souligner sa coopération avec la France. Plusieurs autres prix et distinctions liés au domaine du génie civil témoignent de l’expertise de Patrick Paultre, qui a également été nommé fellow de plusieurs organisations, dont l’Institut canadien des ingénieurs en 2014.

Un engagement social exceptionnel

Soucieux de faire avancer la société, le chercheur met aussi à profit ses compétences en s’engageant bénévolement. Depuis 20 ans, il organise colloques, cours spéciaux et séminaires pour les décideurs publics, les ingénieurs et les concepteurs de structures.

C’est aussi sans grande surprise qu’il a contribué de façon exceptionnelle à la reconstruction de son pays d’origine, durement touché par un terrible tremblement de terre en 2010. Humaniste dans l’âme, il a rapidement mobilisé des appuis, dont celui de l’Université de Sherbrooke, afin d’assurer le développement d’une expertise locale en génie parasismique. Cette action revêt plusieurs formes, dont la formation d’ingénieurs civils haïtiens.

Il a également fondé l’Association haïtienne du génie parasismique, laquelle consacre ses activités à la formation, à la recherche et à l’élaboration de normes de construction. De plus, il a mis au point des outils pour le calcul des forces sismiques et les a adaptés pour Haïti, en plus de les mettre gratuitement à la disposition des ingénieurs de ce pays.

La contribution de Patrick Paultre au développement de sa discipline, son engagement profond à partager ses connaissances et son rôle de chef de file dans l’établissement de structures de recherche de calibre international sont exceptionnels, et l’homme l’est tout autant.

Information complémentaire

Membres du jury :
Georges Abdul-Nour (président)
Johanne Charbonneau
Réginald Nadeau
Marie-Hélène Parizeau
Michel L Tremblay

Crédit photo :
  • Éric Labonté
Texte :
  • MEIE