Un érudit d’archéologie
Des rives du Nil au territoire de l’ancienne Huronie, de l’archéologie
  à l’histoire moderne, Bruce G. Trigger voyage aisément. Par sa
  pensée originale et sa vaste érudition, cette figure marquante
  de l’anthropologie contemporaine sait réunir, sous le faisceau d’une
  réflexion inclusive, les connaissances qu’apportent les diverses sciences
  s’intéressant au passé.
Né en 1937 à Preston, en Ontario, Bruce G. Trigger grandit au
  contact d’un milieu de tradition allemande et, tout jeune, il est mis au courant
  des atrocités du nazisme. Ces révélations influencent son
  regard sur le monde et sur les relations entre les peuples. Par ailleurs, à
  l’âge de 9 ans, il reçoit en cadeau un livre d’images sur l’Égypte
  ancienne. Voilà le début d’une grande passion pour l’archéologie.
  L’ensemble de son œuvre sera ainsi marqué par ces deux influences
  : un attrait pour les civilisations anciennes et un désir de comprendre
  l’oppression de certains groupes dans un contexte plus contemporain.
Après avoir étudié l’anthropologie à l’Université
  de Toronto, Bruce G. Trigger part pour l’Université Yale, où il
  obtient son doctorat en 1964. Sa thèse est consacrée aux modes
  de peuplement de l’ancienne Nubie, cette région de l’Afrique du Nord-Est
  qui s’étend d’Assouan, en Égypte, à Karthoum, au Soudan.
  Déjà, il cherche à utiliser les découvertes archéologiques
  pour mieux connaître les comportements des individus des hautes civilisations
  anciennes. Il commence ensuite à explorer les relations entre l’archéologie
  et les autres branches de l’anthropologie, soucieux d’aider les archéologues
  à interpréter les changements qu’ils détectent dans ces
  sociétés millénaires. 
Bruce G. Trigger devient une autorité internationale en archéologie
  de la Nubie et dans les langues de cette région. Il voit alors s’ouvrir
  devant lui une carrière universitaire fort prometteuse aux États-Unis.
Une nouvelle interprétation de l’histoire
Parallèlement à ses travaux sur l’Afrique, Bruce G. Trigger se
  tourne vers le Canada. À la suite d’un premier article sur la destruction
  de la Huronie, il se penche assidûment sur les Hurons. Il quitte alors
  les États-Unis et se joint, en 1964, au Département d’anthropologie
  de l’Université McGill. Son choix est aussi motivé par le fait
  qu’il se sent plus en accord avec les valeurs qui ont cours au Canada : un sens
  des droits collectifs et un partage des responsabilités sociales qui,
  croit-il, assurent un meilleur avenir à notre société que
  l’individualisme à l’américaine.
Tout en approfondissant les caractéristiques des sociétés
  autochtones, Bruce G. Trigger s’attache à mettre en évidence le
  rôle des Premières Nations dans la construction du pays, permettant
  de mieux apprécier les mœurs et les coutumes amérindiennes.
  Deux de ses ouvrages sur l’ethnohistoire des peuples autochtones du Canada,
  devenus de véritables classiques dès leur parution en anglais,
  seront traduits en français : Les enfants d’Aataentsic, une histoire
  magistrale des Hurons, et Les Indiens, la fourrure et les Blancs : Français
  et Amérindiens en Amérique du Nord. 
Les travaux du professeur Trigger sur le développement méthodologique
  et théorique de l’archéologie en font le maître à
  penser de toute une génération de préhistoriens. Cette
  démarche critique, présente à travers l’ensemble de son
  œuvre, culmine dans sa monographie sur l’histoire de l’archéologie,
  parue en 1989 : A History of Archaeological Thought. Il y évalue,
  à la fois comme praticien et comme historien des sciences, les différentes
  écoles et théories archéologiques, en montrant comment
  elles subissent l’influence du contexte social, culturel et politique de leur
  époque. Il va même jusqu’à prévoir l’évolution
  probable de cette discipline. 
Tout au long de sa carrière, la polyvalence de Bruce G. Trigger et l’importance
  de sa contribution scientifique sont soulignées à plusieurs reprises.
  De plus, il est adopté par les Hurons, qui le nomment, en 1989, membre
  honoraire du clan de la Grande Tortue.
Une référence incontournable
Dès son arrivée à l’Université McGill, en 1964,
  Bruce G. Trigger déploie une activité remarquable au sein de son
  université comme dans plusieurs sociétés scientifiques.
  Il dirigera une dizaine de thèses de doctorat et l’équivalent
  en ce qui concerne la maîtrise au Département d’anthropologie.
  Auteur prolifique, il publie un nombre impressionnant d’articles de fond ainsi
  que seize ouvrages, dont plusieurs sont considérés comme des ouvrages
  de référence en matière d’archéologie. On peut d’ailleurs
  difficilement enseigner cette science aujourd’hui sans faire référence
  à ses travaux.
Bruce G. Trigger est libéré en 1991 de sa charge d’enseignement
  grâce à une bourse de recherche Killam du Conseil des arts du Canada
  pour qu’il puisse consacrer la majeure partie de son temps à une analyse
  comparative de sept hautes civilisations préindustrielles d’Afrique,
  d’Asie et d’Amérique. Le fruit de ce laborieux travail est presque achevé
  et sera publié sous la forme d’un traité monumental intitulé
  : Understanding Early Civilizations. 
Pour couronner le tout, en 2001, Bruce G. Trigger est nommé à
  l’une des premières chaires James McGill de l’Université McGill
  en reconnaissance de ses travaux exceptionnels.